Aujourd’hui je vous propose un article issu du monde des arts martiaux chinois qui ne manquera pas de rappeler en quoi consiste l’entrainement dans les arts martiaux japonais classiques.
Le temps nécessaire pour apprendre un art martial
Par Jonathan Bluestein. Avec sa permission exclusive pour la traduction. Article original : http://cookdingskitchen.blogspot.fr/2014/08/the-time-it-takes-to-learn-martial-art.html
Demandez à dix professeurs différents combien de temps il faut pour apprendre leur art martial traditionnel, et vous obtiendrez probablement 10 réponses différentes. Mais la réponse est-elle si complexe? Dans cet article, je voudrais tenter de démontrer qu’elle ne l’est pas, et discuter de quelques mythes concernant le temps qui est réellement nécessaire pour apprendre un art martial.
Tout d’abord, nous devons définir la question. elle est généralement posée par les débutants complets lors de leur premier contact dans une école donnée. La question peut facilement être mal comprise, parce que chacun donne un sens différent à ce que signifie «apprendre» un art. Le débutant essaie le plus souvent de poser une question complètement différente, qui est – combien de temps ça va me prendre pour savoir me défendre? D’autres pourraient simplement demander combien de temps est nécessaire pour apprendre la totalité du curriculum d’un art. Alors que la personne posant la question peut être considérée comme prétentieuse, la question pourrait être comprise comme le temps qu’il faut pour maîtriser un art. Comme vous pouvez le voir, ce sont trois questions différentes. Je veux me concentrer ici sur celle relative à l’apprentissage du programme complet réel d’un art, là où les choses deviennent intéressantes. J’écrirais à propos de la maîtrise plus tard. En ce qui concerne l’auto-défense de base – ce niveau de compétence doit être atteint dans les 1,5 années de pratique, de préférence moins, dans la plupart des arts martiaux.
L’approche soi-disant ancienne à laquelle j’ai été exposée lorsque j’ai commencé les arts martiaux traditionnels, était qu’il peut et doit prendre une à plusieurs décennies pour apprendre le programme. Je suis respectueusement en désaccord. Cette conception est basée sur une méthode moderne de l’enseignement – que de quelques courts cours hebdomadaires, dans un contexte de groupe. Pourtant, historiquement, tous ceux qui ont maîtrisé les arts traditionnels (sans exception) ont reçu une dose très saine d »enseignement privé ou semi-privé. Ils se sont également formés beaucoup plus. Cela change considérablement les choses.
Je me souviens des vieux jours, quand je m’entraînais en boxe occidentale, mon entraîneur croyait que la plupart des boxeurs ont besoin d’environ quatre années de formation spécialisée, y compris beaucoup d’instruction personnelle, avant qu’il ne sente qu’il soit sûr et responsable pour lui de les envoyer combattre professionnellement dans le ring (ils auraient déjà, bien entendu, d’innombrables combats amateurs et de matchs de sparring à ce moment là). Beaucoup d’entraîneurs prétendent que cela pourrait se faire en moins de temps. Pourquoi sa position sur l’entrainement était, cependant, si nettement différente de celle de beaucoup d’enseignants des arts martiaux traditionnels ? … C’est ce que j’ai découvert des années plus tard.
Maintenant, à mon avis, il ne devrait pas prendre plus de 4-7 ans (pour des adultes matures) pour apprendre tout le programme d’un art traditionnel. L’extrémité inférieure de l’échelle (près de 4 ans) est pour les arts qui contiennent relativement moins de «contenu» à étudier – plus ciblés et concis dans leurs principes (tels que Wing Chun ou Pigua Zhang), ou pour des cas particuliers de personnes extrêmement talentueuses ou ceux possédant une vaste expérience dans l’entrainement d’autres arts. Le laps de temps plus long (près de 7 ans) est pertinent pour la plupart des systèmes très étendus, tels que les diverses lignées de Bagua Zhang, et peut-être les systèmes qui passent volontairement plus de temps sur les bases (diverses branches de Taiji Quan). Par conséquent, en moyenne, 5,5 années (4 + 7/2) pour apprendre entièrement un système. Mesurez les tenants et les aboutissants de tout cela. Comprenez comment la plupart des techniques sont mises à profit. Comprenez la mécanique du corps. J’ai étudié la plus grande partie de mon système de Xing Yi Quan, plus de 95% de celui-ci, en 5 ans, même si (et probablement parce que) l’instruction que j’ai reçue était très traditionnelle. Comment ai-je atteint cet objectif, et pourquoi cela devrait être la norme?
Cela va maintenant être expliqué.
Dans l’étude des arts, je compterais les paramètres suivants comme probablement les plus importants:
– Un enseignement de qualité.
– Le temps passé avec l’enseignant.
– Le temps passé en s’entrainant seul ou avec d’autres personnes, avec l’enseignant absent.
– (Notez que je n’ai pas listé «le talent» – sur le long terme, il importe beaucoup moins que les gens ne pensent)
Supposons qu’on ai réussi à trouver un bon professeur (et que l’on ai le bon état d’esprit pour apprendre l’art). Cela fait 50% d’«un enseignement de qualité». Mais ce qui est vital, c’est que l’instruction soit personnelle et pratique. Les arts traditionnels ont été créés pour enseigner aux membres de la famille, des amis proches et ses associés (au sein de son village ou de clan). Ils n’ont pas été créés comme des produits de marketing de masse. Toute leur essence repose sur une transmission qui est passée méticuleusement et avec beaucoup de soin et une attention portée aux moindres détails.
La façon dont on m’a enseigné et que j’enseigne exige que l’étudiant connaisse le bon alignement de chaque partie du corps à chaque mouvement jusqu’à une précision de moins d’un centimètre. Bien que le combat est désordonné et chaotique, à l’entrainement le pratiquant devrait atteindre près de la perfection de la performance, en particulier en ce qui concerne les angles et l’alignement du corps. Cela ne peut pas être bien enseigné dans un grand groupe. L’étudiant doit apprendre soit dans un groupe composé de cinq personnes ou moins (non compris l’enseignant), ou compléter ces larges classes par de nombreux cours privés.
Aussi, tout en instruisant, l’enseignant doit aider l’élève en fournissant un accès direct et presque illimitée à son propre corps. L’étudiant doit toucher le corps de l’enseignant avec ses paumes sur les points pertinents pour ce qui est enseigné, et aussi changer les positions de ses paumes en le faisant. L’étudiant doit être en mesure d’appliquer les techniques apprises sur l’enseignant – premièrement de manière collaborative, et plus tard avec l’enseignant offrant une résistance raisonnable. L’enseignant doit aussi être en mesure de démontrer tout ce qu’il enseigne sur des étudiants résistants. L’élève a besoin de sentir la douleur et d’autres sensations physiques et mentales amenées par diverses techniques, sans trop en faire et dans des limites raisonnables. Sans toutes ces choses, il ne peut pas y avoir une transmission efficace d’un art, d’une génération à l’autre. Les enseignants qui réussissent et les artistes martiaux qualifiés peuvent être produits autrement, mais ce qu’ils transmettront ne pourra pas vraiment ressembler à l’art de leurs ancêtres.
Plus = mieux ? Certainement pas dans les arts martiaux.
Pourtant, cela ne suffit pas. Pour apprendre un système complet en 4-7 ans, il faut passer assez de temps effectif à s’entrainer et aller au delà ce que l’on a appris; tester aussi des choses, bien sûr. Que considérerais-je comme un bon timing ? À mon avis, au moins 16 heures par mois de temps de qualité (formation personnelle, directe) avec son professeur (seulement 4 heures par semaine), et 84 heures mensuelles de formation personnelle par soi-même ou avec des partenaires, sans l’enseignant présents (une moyenne de 3 heures par jour). Un total de 100 heures mensuelles.
De combien de temps parlons-nous ici ? Peut-être pas autant que vous pourriez avoir pensé. Le délai de 5,5 ans (4-7 ans) en moyenne donnerait 6600 heures de temps total de formation, et seulement environ 800 d’entre elles avec son professeur ! Ce n’est pas beaucoup. Fait intéressant, environ 8 ans de 100 heures mensuelles seront un très proche des célèbres 10000 heures, le nombre d’or, qui est souvent prétendu être le nombre d’heures de formation nécessaires à l’homme pour manifester des compétences de classe mondiale dans une profession, un sport, un art donné, etc. Par conséquent, il est possible que d’ici là (8 ans), il soit raisonnable de supposer que l’on devrait être en mesure d’atteindre un niveau de «maîtrise» décent (bien que la maîtrise, bien sûr, comporte de nombreux niveaux en soi, et la maîtrise complète peut durer toute une vie).
Sur la photo: Mon grand-maître, maître Zhou Jingxuan, enseigne un jeune étudiant à la manière traditionnelle.
Donc, pour résumer les choses – en recevant 4 heures hebdomadaires de cours de qualité et en s’entrainant encore 3 heures par jour en moyenne, on peut apprendre tout le curriculum d’un art martial traditionnel en 4-7 ans (notez comment cela coïncide bien avec le temps qu’il faut pour obtenir un doctorat). Mais que dire du « pratiquant moyen des écoles d’arts martiaux »? Vous savez – le gars qui va dans la salle de gym pour un total de 6 heures par semaine, s’entraîne dans un groupe de 15-40 personnes, et ne reçoit pas plus d’instruction en dehors du cours. Combien de temps faudrait-il à une telle personne pour apprendre la même quantité de matière ?
A 6 heures hebdomadaires (et je suis généreux ici avec le pratiquant moyen), ou 288 heures annuelles, cela peut prendre près de 23 ans (!!) pour atteindre le même nombre d’heures de formation (6600) qu’une personne s’entrainant avec plus de rigueur, et qui dans la méthode traditionnelle, l’aura accumulé en 5,5 ans. En plus de cela, cette personne a reçu une fraction de l’attention de l’enseignant, fragilisant davantage sa capacité à saisir profondément les fondements et les aspects les plus profonds de son art. Il n’est pas étonnant alors, qu’il est de nos jours dit qu’un art prend des décennies à apprendre!
Que peut nous apprendre tout cela?
Les arts martiaux ne sont pas une course, et tout le monde n’a pas le temps de s’entrainer 3 heures par jour, ou les moyens financiers ou l’opportunité d’obtenir une instruction personnelle de qualité. Pour le pratiquant moyen, la courbe d’apprentissage de 23 ans va être tout aussi bien, parce qu’il ou elle n’est pas intéressé(e) de devenir extrêmement compétent dans un court laps de temps – ils viennent apprendre quelque chose et avoir du plaisir. Comme mentionné précédemment, l’apparition de capacités d’auto-défense devrait être assez rapide dans la plupart des écoles, et les arts martiaux attentifs à la santé apporte une contribution dès le premier jour. Le temps ne devrait donc pas être un gros problème.
Ce qui est important est de souligner que les arts traditionnels n’étaient pas initialement destinés à être un chemin de plusieurs décennies pour réussir. Ils ont été créés par des gens qui avait un intérêt dans les résultats rapides, pas moins que les entraîneurs de sport de notre temps. Les arts qu’ils pratiquaient avaient besoin de fonctionner, et ils devaient être bons à ces arts. Mais ils étaient enseignés dans le cadre d’une famille, ou une société soudée, dans laquelle l’enseignement et du temps de qualité pour former étaient produits en abondance. Dans ce genre de milieu, même une personne qui commence à s’entrainer à l’âge de 25-35 sera un jeune homme ou une femme en bonne santé et fort quand il ou elle aura atteint un niveau profond de compréhension de l’art. Sans parler des gens qui commençaient à un plus jeune âge.
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http://www.researchofmartialarts.com
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Shifu Jonathan Bluestein est à la tête de la Tianjin Martial Arts Academy, et enseigne le Xing Yi Quan et le Pigua Zhang en Israël. Il est également l’auteur d’arts martiaux et chercheur. Sa liste d’articles publiés, la plupart disponibles en lecture libre avec des liens, peut être trouvé à l’adresse suivante: https://en.wikipedia.org/wiki/User:Jonathan.bluestein#Articles_I_published_outside_of_Wikipedia_.28On_Martial_Arts.29
Si vous avez aimé cet article, vous pouvez visiter la page de l’école de shifu Bluestein sur Facebook: http://www.facebook.com/tianjinacademy
Bonsoir,
vraiment un article des plus intéressant qui dit bien les choses et tout à fait d’accord je suis sur l’appréciation des durées et le comment de la pratique. À cela je rajouterai qu’à mon sens et de part mon expérience je trouve que beaucoup de choses sont inutiles dans l’apprentissage et une perte de temps qui « freine » la progression, certes des éducatifs sont nécessaires et (presque) tout choix pédagogique peut être justifié mais le rappel suivant est des plus clair sur l’origine de la pratique. »Ce qui est important est de souligner que les arts traditionnels n’étaient pas initialement destinés à être un chemin de plusieurs décennies pour réussir. Ils ont été créés par des gens qui avait un intérêt dans les résultats rapides, pas moins que les entraîneurs de sport de notre temps. «
Bonjour,
Effectivement beaucoup de raffinement apparait lorsque l’art martial s’éloigne de son utilisation première (aussi lorsqu’il se tourne vers le budo et/ou la recherche de perfection du geste); ainsi il y a une explosion du nombre d’école de jujutsu à l’époque Edo… Une période de paix.
D’ailleurs on voit bien souvent une grande différence de complexité entre les kata de cette époque (et après) et ceux antérieurs à l’époque Edo. Il y a fort à parier que si le besoin utilitariste s’était fait sentir (guerres), l’entrainement devait se factoriser autour des éléments principaux (les principes/stratégies essentielles de l’école) plutôt qu’un curriculum très étendu.
Nicolas
Bonjour,
Je tiens tout d’abord à vous adresser mes compliments quant à la qualité de votre site. Pour le budoka français n’ayant pas la possibilité de pratiquer dans une koryu, c’est une véritable mine d’informations.
Concernant cet article, je me demandais dans quelle mesure son contenu peut s’appliquer aux arts martiaux japonais, et je parle en fait des koryu bujutsu.
En effet, il semble que selon Jonathan Bluestein, l’apprentissage des arts martiaux chinois ne peut se faire véritablement de manière efficace que s’il suppose un entraînement particulier et régulier sous l’égide d’un maître, par opposition au cours collectif.
Mais le bujutsuka a-t-il cette possibilité dans le cadre d’une koryu ?
Cordialement,
Louis Godet
Bonsoir,
Tout d’abord merci pour vos compliments, j’essaie surtout de traduire les écrits de mes ainés qui poussent à réflexion. En ce qui concerne cet article et sur l’aspect individuel de l’apprentissage, je pense que cela s’applique d’autant plus aux koryu qui ont toujours été le lieu d’apprentissage d’un ensemble réduit d’élèves autour d’un maître ou instructeur. L’instruction, que l’élève s’en rende compte ou pas, est individualisée par les corrections apportées. De plus je dirais que malgré le système sempai/kohai, les koryu se caractérisent par une connexion directe à l’instructeur (en tout cas c’est ainsi que je le vis). L’éloignement moderne a créé le concept de groupe d’étude. Certains instructeurs de koryu ne croient pas vraiment dans les groupes d’étude, d’autres essaient de s’assurer de la qualité de transmission à ces groupes distants. L’exposition en nombre d’heure à l’instructeur est aussi un facteur primordial.
J’ai aussi traduit cet article car il me faisait écho à cet écrit d’Ellis Amdur sur l’apprentissage d’un savoir de haut niveau :
« Une formation de haut niveau, cependant, exige des gens de haut niveau, et des compétences de haut niveau ne seront acquises que par une petite élite – ceux qui sont à la fois naturellement talentueux, et obsessivement, toujours engagés. J’ai entendu de plusieurs enseignants qui sont diligents et ouverts, dont certains sont des instructeurs de Koryu et d’autres de méthodologies d’entrainement interne, qui soutiennent l’attitude qu’ils ne cacheront rien, qu‘ « il n’y a pas de secrets ». Pourtant, chacun m’a dit que bien qu’ils aient beaucoup de gens qui étudient, ils ont seulement un ou deux élèves. Il est possible que, bien que l’enseignant «ouvert» offre un environnement d’entrainement plus agréable et plus supportable psychologiquement, il ou elle peut avoir, à la fin, le même nombre de grands élèves : un ou deux. « Voler la technique » n’est pas seulement quelque chose qu’on a à faire avec un professeur comme Sokaku Takeda ou Morihei Ueshiba, qui montre prétendument une technique qu’une seule fois, celà se produit également avec n’importe quel professeur, parce que l’explication n’est pas l’expérience. Il faut aspirer les compétences à travers les pores, pas les oreilles. », tiré de https://surlespasdemars.wordpress.com/2013/09/27/aikido-et-entrainement-a-la-puissance-interne/.
A mon niveau et vu la distance, l’instruction directe quotidienne serait difficile et elle ne sera certainement pas celle d’un ancien pratiquant de l’époque médiévale japonaise, mais j’essaie d’être le plus souvent en contact avec le directeur de notre école ainsi que le responsable européen de mon groupe d’étude. C’est un des moyens pour assurer cette transmission et ce dont les licences d’enseignement doivent se faire écho.
Nicolas
Cher Nicolas,
Je vous remercie de votre réponse si rapide. Le milieu des koryu est plutôt discret pour celui qui ne sait pas ou chercher. De ce que j’ai compris de votre réponse, le lien entre l’élève et l’enseignant y est donc relativement fort, pourvu que ce dernier s’investisse. Il me semble aussi que les traditions martiales japonaises se transmettent beaucoup moins bien par la parole que les boxes chinoises. Vous mentionnez le système kohai/sempai. A ce propos, cette relation s’instaure-t-elle dès le début de la pratique ?
Cordialement,
Louis
Cher Louis,
Je ne connais pas assez les boxes chinoises pour être à même de comparer. De mon expérience, les pratiques japonaises, anciennes ou modernes, se transmettent intégralement par la parole (ou plutôt l’apprentissage physique sous la direction d’un professeur ainsi que le passage oral des traditions), mais peut-être n’ai-je pas saisi le sens de votre phrase ? Les seuls documents écrits sont en général une liste d’élève et des diplomes pour certifier de ce qui a été enseigné à un élève (en général juste le nom des kata en questions).
Le système kohai/sempai s’instaure dès le début de la pratique, le nouvel élève devient de fait le kohai de tous les autres (et inversement ils sont tous ses sempai). Néanmoins c’est un système beaucoup moins dirigiste et formel que ce que l’on rencontre parfois dans les budo modernes, il s’agit simplement d’une relation naturelle d’ancienneté qui s’établit communément sans qu’il y ai besoin d’en faire la manifestation.
Takamura disait à propos des termes sempai-kohai :
« Ce sont d’autres termes que nous n’utilisons pas vraiment en Shindo Yoshin-ryu. Ce sont des termes plus communs aux arts martiaux modernes. Ces concepts sont en réalité plus récents et utilisés comme un outil pour le renforcement de la discipline au sein d’un grand groupe de conscrits militaires. Dans les dojos de karaté avec une discipline quasi militaire, ce système est souvent strictement appliqué jusqu’à la cruauté. Je vois même le système de sempai-kohai appliqué à un niveau malsain dans certains dojos d’aïkido. Dans l’armée, il peut être une chose positive pour rendre la chaîne de commandement évidente et assurer la cohésion de la mentalité du groupe, mais rappelez-vous que les samouraïs n’étaient pas une armée de conscription. La dynamique de groupe d’un clan de samouraï était très différente de celle d’une armée moderne. La même chose est vraie pour un dojo de bujutsu, ce n’est pas l’armée. Avons-nous besoin de ce genre de système dans le dojo? Non, pas dans mon dojo! Je n’ai pas besoin d’aboyer « Osu » à mes étudiants ou de souhaiter qu’ils me répondent par des cris de groupe. Ce n’est pas vraiment utile dans un vrai dojo de bujutsu. L’entraînement et la responsabilité des élèves sont beaucoup plus personnalisés. Y a-t-il une ancienneté évidente dans le dojo de Takamura-ha bujutsu? Oui et non. Nous n’avons pas de rang et pas d’uniforme spécifique qui démontre l’ancienneté. Il n’est demandé à personne de faire une tâche que moi ou d’autres enseignants ne remplissions pas souvent de nous-mêmes.
Nous nous alignons dans le dojo en fonction de l’expérience et des licences reçues. Si vous assistez à un cours dans l’un de nos dojos vous allez rapidement comprendre qui est le senior et qui est le junior sans que l’instructeur aboyent des ordres à quiconque et sans regarder qui nettoie les toilettes. Aboyer des commandes à des hommes enrôlés dans l’armée peut servir des buts positifs, mais je forme les élèves à être des leaders pensant et non d’ardents suiveurs. »
[…] à l’époque (4 ans déjà !) traduit un article sur les arts martiaux chinois qui, sans en partager tous les aspects, me semblait offrir quelques pistes de réflexions. Je ne […]