Après une période estivale peu réjouissante, voici que septembre pointe le bout de son nez et avec lui la rentrée. La rentrée, c’est bien souvent l’occasion de débuter une nouvelle activité et pour vous aider dans votre choix, la plupart des mairies organise un « forum des associations ». Cette sorte de grande messe des associations locales est l’occasion de rencontrer les pratiquants et leur poser des questions sur leur loisir (forcément meilleur que celui du voisin 🙂 ). Parfois des démonstrations sont réalisées, permettant au visiteur d’un jour de se faire une idée plus visuelle d’une pratique (bizarrement ce n’est pas le cas de ma ville).
Pour d’autres, c’est la période où ils cherchent un club pas loin de chez eux, internet est alors souvent la planche de salut.
Mais qu’ils viennent directement au contact des associations ou par l’intermédiaire d’un site web, tous viennent avec une idée en tête de ce qu’ils veulent pratiquer. L’idée est parfois embryonaire et confuse, et souvent fort erronnée par rapport à la réalité, mais elle reste le moteur inconscient de ce premier pas. Citons pêle-mêle pour le domaine des arts martiaux : le besoin de savoir se défendre / se sentir fort, faire comme l’acteur X (et non de X), perdre du poids, parce que c’est esthétique…
Jusque là rien de grave, on a tous commencé pour des raisons semblables… Et on est souvent resté au fur et à mesure des années pour des raisons différentes.
Authentique marketing
Ce qui est par contre dommageable ce sont des pratiques sur-marketées, souvent à la mode et qui vendent autre chose que ce qu’elles proposent vraiment. Je pense notamment aux inventions du type Body-Tartanpion (remplacez tartanpion par un art martial ou un sport de combat quelconque, il s’agit de bouger et suer en rythme avec de mauvais mouvements d’arts martiaux), on joue là sur le fantasme des arts martiaux dans le cadre d’une activité de fitness. Alors certes, vous allez transpirer, si vous restez c’est que vous trouvez ça fun… Mais ne me parlez pas d’arts martiaux dans ce cas.
Le body-kenjutsu ??… Ce sont les ostéopathes qui vont être contents
Autre effet du marketing ? Les clubs qui vous promettent de vous transformer en guerrier invicible. On a des techniques des commando et on va transformer Tatie Danièle en machine de combat. Autres exemples: devenir représentant de l’école en vous affiliant, suivre un cursus par internet, recevoir votre ceinture noire à l’achat de la vidéo du grand maître… Tout cela existe. Franchement, passez votre chemin; plus on a quelque chose à vous vendre, plus je méfie. Les bons pratiquants que je croise ne sont certes pas contre l’accueil de nouveaux élèves mais la qualité d’un groupe leur importent bien plus que la quantité d’adhérents.
Vous avez aussi toute une série d’activité, souvent proposées par des groupes bien en place, qui sont créées pour répondre à un créneau d’âge. Ne nous méprenons pas, il s’agit de pratiques qui peuvent être intéressantes du moment que l’on ne ment pas sur l’emballage en saupoudrant d’orientalisme pour faire plus vrai, plus authentique.
[ Petite apparté : où est le mal du moment que cela plait aux pratiquants ? Nulle part dirais-je… En théorie. Malheureusement ce sont souvent les mêmes qui profitent d’une sur-représentation auprès du public, parfois copyrightant des termes ne leur appartenant pas, ou s’octroyant le monopole de certaines pratiques (la loi française étant ainsi faite…); au détriment d’écoles plus authentiques occultées par la masse. L’effet pour le pratiquant est pervers : il peut chercher une certaine pratique, passer quelques années à se tromper sur ce qu’il pratique et se rendre compte qu’en grossissant ces rangs, il s’empêche d’autant plus de trouver ce qu’il cherchait initialement. Effet boumerang) ]
A l’essai !
Donc que faire dans la multitude des écoles existantes ?
Première rêgle d’or : Faites un cours à l’essai !
Il suffit bien souvent d’appeler et se montrer intéressé/curieux pour être invité à un cours à l’essai; pour certains clubs c’est même automatique, n’oubliez pas néanmoins de les contacter avant par politesse.
En faisant un cours à l’essai, vous aurez une meilleure idée de ce qui est pratiqué au quotidien. Vous rencontrerez les anciens et observerez leur comportement (restent ils entre eux ? S’occupent ils aussi des nouveaux ? …). Vous découvrirez aussi la pédagogie de l’enseignant. Je reste convaincu que bien des parcours commencent avec la rencontre d’un élève et d’un enseignant. Ce sera à sens unique au départ : l’élève impressionné et voulant acquérir ce que démontre l’enseignant, mais progressivement un lien pourra se créer.
Petite remarque néanmoins : pas la peine de vous comporter comme dans un film de samurai souhaitant se dévouer corps et âme au Maiiitre (fuiez ceux qui se présentent comme un maître). Je connais le cas d’un enseignant connu, possédant un dojo privé à l’arrière de son jardin, qui vit un jour deux personnes faire le pied de grue devant sa porte. Lorsqu’il leurs demanda ce qu’ils faisaient içi, il apprit que les deux personnes venaient de loin pour devenir ses élèves et se consacrer à l’entrainement… Le professeur, qui avait une petite école familiale, ne pouvait pas gérer plus d’élèves, et même dans ce cas, il ne connaissait point les deux loustics qui s’imposaient à lui. Il leur dit de rentrer chez eux. Mais ils n’en firent rien : « Le maître nous teste ! Il veut vérifier notre volonté ! », et ils squattèrent chaque jour devant sa porte. L’histoire ne dit pas s’il dut employer une botte secrête pour établir une connection entre son pied et leurs fessiers. Mais toujours est-il qu’ils partirent au bout d’un moment, un « non » étant un « non ».
Quelques conseils subjectifs ?
Ok, vous avez fait des cours à l’essai, mais vous êtes débutant et vous ne savez pas si le flacon correspond bien au parfum. Normal : vous êtes débutant. Si vous recherchez quelque chose de précis, le mieux est de vous renseigner avant. Le monde moderne regorge d’information (ce que la SF des années 60 n’avait guère anticipé), malheureusement les sources ne sont pas toujours fiables ou facilement vérifiables.
Toujours est-il que l’on peut essayer d’émettre quelques rêgles non absolues :
– la priorité d’un club de sport de combat ou d’arts martiaux orienté compétition (nombreux club de judo et karaté), n’est pas la self defense. Le contexte est le combat en compétition avec un ensemble de rêgles et non la self-defense.
– Très peu de clubs d’arts martiaux se préoccupent du contexte pré-conflit, de la dé-escalate verbale, de l’évitement du conflit, des réactions sous stress, des effets post-agressions, etc… Ce sont pourtant des éléments clefs d’une bonne self defense moderne. Autrement dit, si vous allez dans un club d’arts martiaux pour votre sécurité, il faudra vraiment que le professeur ai cette affinité, sinon tout ce que vous apprendrez ce sont des techniques parfois loin de vos préoccupations.
– Les budo, sont des « voies » s’appuyant sur des techniques guerrières; le but est le perfectionement de soi par la pratique, l’efficacité peut parfois y être vue comme un élément secondaire voire à peine connexe. A ce titre on peut citer : le karate(do), l’Aikido, l’iaido, le kendo, le kyudo, … Et le judo dans son idéal (comprendre : quand il n’est pas orienté compétition). Certains de ces budo ont fortement évolué vers le sport ce qui peut les éloigner de leur but initial. De même si des clubs de budo peuvent proposer de la self-defense, ce ne sera à priori qu’une des facettes de cet art, pas sa finalité.
– le terme traditionnel est maintenant employé par des pratiques vieilles de moins d’une génération… Ne vous fiez pas à ce terme qui est autant usité par des écoles authentiques que par des choses créés de toute pièce. Si la culture, l’Histoire et une certaine tradition des arts martiaux vous intéressent, il vous faudra sûrement vous tourner vers d’anciennes écoles et éviter les synthèses modernes.
– la plupart des anciens arts martiaux japonais sont basés sur le kata : l’enchainement codifié de formes à deux. Il est rare d’y trouver du sparring libre. Au contraire nombre de pratiques modernes, proches des sports de combats, mettent l’accent sur le sparring.
Je ne pourrais pas en quelques lignes vous décrire suffisamment le monde protéiforme des arts martiaux tant le spectre varie des pratiques les plus éthérées aux plus terre à terre. C’est une connaissance qui s’acquiert avec le temps, au fil des rencontres et des pratiques, mais se renseigner est déjà faire quelques pas hésitants dans cette culture.
Ok et maintenant ?
Prenons le temps de faire un détour par des considérations plus matérielles. Pour un passionné, elles devraient être secondaires… La vérité c’est qu’elles vont avoir un impact des plus directs sur vos choix :
– la distance. Lorsque l’on commence, il est préférable de choisir un dojo/club facilement accessible. Il y a plein de bonnes raisons le soir pour sauter un entrainement, pas besoin d’y ajouter la distance (qui elle, ne se négocie pas). Nombre d’entre nous ont commencé au club voisin; il sera toujours possible plus tard, la passion aidant, d’aller à un club plus lointain
– les horaires. Il faut que votre emploi du temps vous permette de pratiquer. Si vous manquez 50% des cours que vous souhaitiez faire à cause des transports /de la réunion imprévue, la motivation risque de ne pas durer longtemps. Même punition que la distance : au départ, faites simple.
– le matériel. Les pratiques ne sont pas égales en frais. Certaines ne nécessitent qu’une tenue de pratique, d’autres l’achat d’armes ou de protections, voire une tenue plus élaborée. A vous de voir.
– les frais. Chaque région et clubs a des frais différents. En région parisienne on peut atteindre plus de 700 Euros par an dans un dojo privé, à l’inverse des clubs ayant accès à une salle gracieusement peuvent pratiquer des prix défiants toute concurrence. La encore renseignez-vous, prévoyez un peu plus pour faire un ou deux stages. Mais surtout soyez sûr de ne pas sacrifier votre vie pour accéder à une pratique; tous les bons pratiquants que je connais n’ont pu pratiquer sur le long terme qu’en trouvant un équilibre.
– les dans et diplomes du professeur. Pour un professeur professionnel, l’Etat impose un certain nombre de prérequis; pour les bénévoles (la majeur partie) il n’y a pas de prérequis (en dehors de ce que s’auto-imposent certaines fédérations). Donc pourquoi ne pas se baser sur le nombre de Dan fièrement annoncé sur les flyers ? Parce que cela ne veut pas dire grand chose. Les Dan représentent des niveaux différents selon les groupes et les pratiques. Autant je trouverais un premier dan trop « vert » pour enseigner, autant qu’un nouveau aille voir un 3 ou 6e Dan, je ne suis pas certain de l’apport pour le niveau d’un débutant. Les différences de relationnel auront plus d’impact sur les débuts d’un pratiquant. Reste que la ceinture noire ça impressionne… Au point où des pratiquants de discipline non japonaise se ceignent la taille d’une ceinture de type judo et emploient les Dan (deux créations purement japonaises, 段 = Dan = niveau/étape en Japonais). Dan, diplome, barrette, voire rien, le critère qui reste selon moi important est que le professeur ai l’aval de son propre professeur pour enseigner.
Faire le grand saut…
Enfin, j’aimerais prendre quelques lignes pour parler de ce que je nommerais le « rêve asiatique ». J’ai déjà eu des demandes de renseignements par l’intermédiaire de ce blog pour effectuer des voyages d’entrainement au Japon. Ces demandes concernaient de jeunes passionnés voulant tout quitter pour aller s’entrainer au Japon dans une école d’arts martiaux traditionnels. L’intérêt à notre époque étant suffisamment rare pour les « vieille écoles », cela a forcément attiré mon attention. Au fil de la conversation j’apprenais donc que mes interlocuteurs avaient pratiqués un ou deux ans dans un budo (judo, karaté, aikido, autre…) et passionnés de culture japonaise voulaient entrer dans une école… Mais ne savait pas laquelle, n’avait pas réellement idée de comment cela se passait, ni une vue claire de comment vivre au Japon (qui plus est parfois sans métier)… Bref y aller, et entrer dans une école (souvenez vous des deux apprentis faisant le pied de grue à la porte d’un professeur).
Il est bon d’avoir des rêves et d’essayer de les réaliser, c’est un moteur puissant. Néanmoins il est encore mieux de s’y préparer.
Si c’est votre rêve, renseignez-vous si l’école en question n’a pas un dojo ou un enseignant en France. Il sera temps lorsque les conditions seront réunies de réaliser votre rêve. Pour l’instant, commencez localement, apprenez à découvrir cette école. Et la rentrée, c’est le bon moment pour faire ce premier pas…
Body-kenjutsu… Certainement moins drôle que le sport chanbara, mais bon, je ne connaissais pas ce truc. Comme quoi, on est vite dépassé par les nouvelles pratiques.
Disons que ce n’est pas encore en France (Samurai sword workout), je donne déjà le nom à la fédé ou au club de fitness qui récupérera le truc. Parfois on se dit qu’on atteint la limite mais on trouve toujours un truc qui va plus loin.
Un autre exemple du difficile casting de la rentrée : http://krav-rennes.com/2012/09/02/krav-maga-et-mythomanes/ ou lorsqu’une pratique devient à la mode et en paie progressivement le prix (l’explosion du nombre d’instructeurs au niveau douteux).