Quel est l’intérêt de participer à un stage ? Tout d’abord cela pourrait paraître un poil saugrenu pour une koryu, une école où l’entrainement est fait en petit groupe et directement au contact du professeur. Mais à la différence du Japon pré-moderne où les écoles étaient pratiquement toutes sur l’archipel, parfois concentrées géographiquement (comme à Edo/Tokyo), la diffusion à l’international a allongé les distances et étiré ces liens.
Il n’est pas rare que le professeur ou le directeur de l’école vive dans un autre pays et que l’apprentissage nécessite de se déplacer pour apprendre auprès de lui. Charge alors à nous d’aller chercher l’information où elle se trouve. Dans notre école, les stages sont mêmes indispensables si l’on veut conserver un lien direct avec le Kaicho, sensei Threadgill – et pour une koryu c’est un point important pour chaque élève. C’est aussi ce que faisait Morihei Ueshiba lorsqu’il invitait son professeur Sokaku Takeda chez lui pour apprendre avec d’autres élèves – aujourd’hui on appellerait ça un stage privé.
Tout d’abord les stages sont-ils indispensables ? A mon avis, oui et non. Non car vous pouvez très bien apprendre tout ce que vous êtes sensé savoir de votre professeur au quotidien, pas besoin à priori de le suivre en plus en stage (ou d’aller voir quelqu’un d’autre avant d’avoir atteint son niveau). Le stage ne vient pas remplacer la pratique quotidienne.
Ok. Ca c’est pour la théorie. Si on apprend des techniques martiales c’est pour les appliquer dans différents contextes et sur tout type d’opposant. L’application des techniques de nos jours se résumant souvent au tatami, un des moyens de se confronter à d’autres partenaires – et donc d’autres réactions – c’est de participer aux stages – d’autant plus lorsqu’ils sont publics. On apprend ainsi à gérer des situations en dehors de notre dojo habituel, notre zone de confort. Lorsqu’un stage est public avec des pratiquants d’autres disciplines on peut aussi observer comment notre professeur met en oeuvre les principes de l’école dans un cadre légèrement différent. Tout cela contribue à notre capacité à nous adapter à l’imprévu du combat, tout en appliquant les principes et stratégies de l’école étudiée.
Quel est l’intérêt des stages ? J’ai commencé à y répondre précédemment mais ajoutons à celà quelques éléments. Le stage est souvent une période plus concentrée d’entrainement. Alors qu’au dojo on peut pratiquer 2, 4, 6h par semaine… Le stage d’un weekend peut représenter plus de 12h d’entrainement. Si je le compare de manière comptable et naïve à 4h de pratique par semaine, le stage est alors l’équivalent de 3 semaines d’entrainement.
Un autre aspect du stage est sa continuité sur une période de temps donné (un weekend par exemple). Pédagogiquement le professeur peut y développer une thématique plus longue ou faire approfondir un point particulier là où le cours de 1h, 1h30 voire 2h peut rencontrer une limite. Bien sûr si le professeur se contente de faire l’équivalent d’un « cours longue durée », le stage perd partiellement de son intérêt – il ne sera que l’ajout d’heures d’entrainement supplémentaires.
Abordons aussi un point fondamental concernant tout art martial (budo, koryu, pratique sportive…) mais aussi toute activité humaine. Les stages sont des moyens salvateurs pour éviter le syndrome du « Big fish in a small pond ». Ai-je besoin de préciser ? Combien d’entre nous ont connu des dojo de toute discipline où le professeur était perçu comme un pratiquant d’exception rayonnant sur une petite cour, l’ensemble se considérant d’une qualité technique sans commune mesure avec les « autres » ? Il y a un petit goût de « village gaulois » à cela : nous on sait, isolés, les autres se trompent. Il est bien plus simple de paraître compétent si l’accès aux gens compétents est restreint : un gros poisson dans une petite mare. Les stages ont au moins cet avantage de vous offrir une perspective plus large.
Dans une koryu le stage a aussi deux autres fonctions à mes yeux :
Lorsque la tête d’une école possède l’ensemble du savoir de l’école et n’est pas accessible au quotidien (non skype n’est pas un accès à ce savoir ! Vous avez besoin d’un contact physique et d’un retour physique en plus de la verbalisation), le stage auprès de cette personne alimente votre pratique pour plusieurs semaines voire mois. C’est un processus qui peut être difficile à mettre en place, et clairement il n’est pas fait pour tout le monde tant il demande de l’investissement, mais bien employé, il devient terriblement efficace. C’est sur ce principe que fonctionne nos groupes d’études, mais aussi la poursuite de l’apprentissage lorsqu’on est déjà instructeur d’un niveau spécifique (le shoden pour moi). Sans ces stages, je stagnerais au même niveau…
Enfin, le stage est aussi un vecteur social important entre des personnes souvent éloignées géographiquement. Et si une école n’est pas un club de rencontres (amicales), dans une koryu le groupe revêt d’une importance particulière. C’est à ces moments là que les informations sur le groupe et l’école se diffusent le plus, mais aussi les traditions non techniques de l’école. Apprendre à connaître les autres membres de l’école, particulièrement ses sempaïs actuels et passés, côtoyer sensei et avoir accès à l’Histoire de l’école et de ses anciens maîtres, c’est justement participer à tout un versant de la transmission des connaissances et traditions d’une école ancienne.
Bons stages à toutes et à tous.
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