Lorsque l’on parle des koryu avec des pratiquants de budo, on se retrouve souvent à expliquer ce terme. Parmi les diffèrentes définitions, une des plus simples (et simplistes) est que les koryu sont les écoles martiales japonaises dont la date de création est antérieure à 1864, date de la restauration Meiji (certains retiennent parfois la date de 1866 mais restons simples). Il me semble même que c’est une des définitions que l’on retrouve sur wikipedia.
Si on veut s’appuyer sur des faits ponctuels de l’Histoire, une autre date possible est 1876, année où eut lieu le fameux Haitōrei ou edit d’interdiction des sabres.
L’Haitōrei est une conséquence de toute une série d’événements qui marqua de grands changements sociaux au Japon.
Depuis que Ieyasu Tokugawa gagna la bataille de Sekigahara en octobre 1600 et qu’il accéda au poste de Shogun (1603), grand général – mais dans les faits dirigeant du Japon, il établit un rêgne dictatorial qui dura plus de 200 ans. Dans un Japon en proie à des guerres incessantes entre Daimyo, les différents shogun Tokugawa imposèrent une paix relative tout en figeant les classes sociales et en profitant de l’isolement géographique du Japon. A partir des années 1850, les puissances occidentales firent pression sur le pays pour ouvrir ses frontières au commerce (avec notamment l’arrivée des bateaux du Commodore Perry dans la baie de Tokyo en 1853). La puissante domination militaire et technologique des occidentaux obligea le Japon à revoir sa position isolationiste, faisant émerger des dissensions entre les différents clans voire entre diffèrentes strates sociales de la classe des samouraï.
Ces turbulences sanglantes entre diffèrentes factions conduît à l’abdication du shogunat au profit de la restoration du pouvoir de l’empereur, du nom de Meiji (le jeune empereur, couronné l’année précédente dû à la mort de l’empereur Komei, a alors 15 ans). Cet évenement eut lieu en 1868, mettant fin au rêgne des Shogun, soit une période s’étalant de 1192 à 1868 avec l’emprise du pouvoir militaire sur le Japon (d’où le choix de cette date butoire pour les « koryu » qui se définissent comme des écoles au contenu militaire).
Ce changement de gouvernement s’accompagna d’un renouveau des classes sociales. Des mesures furent prises pour graduellement supprimer le statut de Samurai, caste jugée archaïque par rapport à la modernisation en marche.
L’une d’entre elles consista à s’attaquer à leurs privilèges. Le port des deux sabres était le symbole de cette classe d’origine guerrière. Ainsi le port de sabre en public fut interdit par l’édit Haitōrei le 28 mars 1876 sauf pour les daimyo, les officiels militaires (des conscrits) et de la police, les contrevenants se faisant confisquer leurs armes.
D’autres mesures avaient déjà eu lieu pour abollir leur statut :
– coupe de leur chignon et obligation de se coiffer à la mode occidentale (1871),
– conscription militaire et création d’une armée nationale (1873) – les samurai perdent alors leur monopole sur les aspects militaires,
– abolition de leur revenu héréditaire (1873).
L’Haitōrei, de par sa symbolique, marque ainsi la fin de la caste des samourai. C’est pourquoi il peut être utilisé comme indicateur temporel dans la définition des Koryu. Il faut néanmoins garder à l’esprit que quelque soit la date retenue par facilité (1864, 1876,…), les samourai de l’ère Tokugawa n’avaient pas l’opportunité de se battre sur les champs de bataille comme leurs homologues de la période Sengoku (« période des royaumes combattants », 1467-1573). Une grande partie de la théorification et de la structuration de cette classe provient des deux siècles de paix de l’ère Tokugawa.
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