C’est un article que j’avais déjà dans l’idée d’écrire depuis un certain temps. Il est parfois difficile d’appréhender la pratique du sabre lorsqu’on le découvre avec un passé d’aikidoka, tout simplement parce que notre pratique peut déjà inclure du travail au sabre, mais traité par le prisme de l’Aikido.
Pour contextualiser mon article, j’ai découvert le kenjutsu de l’école Takamura ha shindo Yoshin ryu alors que je pratiquais depuis 11 ans l’Aikiken, le pratique du bokken (sabre en bois) de l’aikido (école Iwama). Anecdotiquement j’avais pratiqué 2 ans d’escrime occidentale étant jeune et m’était sporadiquement intéressé aux arts martiaux historiques européens (amhe). C’est donc avec cette teinte que j’ai rencontré le sabre du TSYR lors d’un stage en Serbie de Tobin Threadgill, puis que je l’ai étudié chaque mois en stage à Lisbonne ou dans le reste de l’Europe.
Au premier abord, c’est la minutie du geste qui me marqua. Pas de grands mouvements amples, pas de gestes inutiles, le sabre suit des lignes minimales toujours orienté vers sa cible. Il est rapide, précis et mortel.
C’est certainement encore plus perceptible pour sa pointe (kissaki). Le sabre employé en TSYR possède une tsuka (poignée) assez longue par rapport à ce que l’on rencontre dans des pratiques comme le Iaido, l’espace entre les 2 mains représentant environ 1 main et demie à 2 mains. La conséquence de ce choix est de permettre un plus grand effet de levier par l’arme et une plus grande précision du mouvement de sa pointe (au détriment de la puissance pure de coupe). Cette importance de la pointe s’est vite confirmée dans la pratique des kata. Nombre d’entre eux renforcent l’apprentissage du contrôle de la position de la pointe dans l’espace.
Le sabre du Takamura ha Shindo Yoshin ryu démontré par sensei Threadgill
D’autres éléments se sont mis en place par rapport à ma pratique de l’Aikiken. L’un d’entre eux est la menace omniprésente sur le partenaire. Comme le répète souvent sensei lorsque nous armons trop loin en arrière : le but est d’atteindre l’adversaire, pour y parvenir la pointe doit être dirigée vers lui et non à l’opposé. Ainsi en TSYR, le pratiquant presse son opposant, tel un prédateur poussant l’autre à la faute… Un élément qui me rappela quelques assauts d’escrime. La lame non plus n’est pas en reste, et ces dernières années je travaille à améliorer le hasuji (l’orientation du fil de la lame) dans chaque coupe, le battojutsu (dégainage et coupe) ne laissant aucun doute sur une variation de quelques degrés sur la trajectoire…
Dans le même ordre d’idée, on placera toujours du fer entre soi et l’adversaire, premier rempart à la moindre ouverture. Le déplacement se fait derrière le sabre, ce dernier engageant le mouvement – le sabre reste à tout instant la première menace directe pour l’adversaire.
Du fait de la distance entre les mains gauche et droite, chacune voit son rôle très différencié (en tout cas à mon niveau), c’est tout un réapprentissage de la manière de se mouvoir que le kenjutsu impose. En plus de cette rupture de symétrie c’est certainement la déconnexion bras / torse qui me posa le plus de problème. Habitué à l’unité bras / corps de l’Aikido, il me fallut apprendre affiner cette connexion : réalisant certains gestes connectés et d’autres déconnectés en fonction du besoin.
Que ce soit en battojutsu (dégainage et coupe) ou kumitachi (kata de sabre à 2), la coupe est faite à vitesse maximale constante. Passant de 0% à 100% de vitesse non pas du début à la fin de la coupe, en accélération constante, mais passant en un instant à 100%, restant à 100% lors de la coupe et retombant à 0 en un instant lors de son arrêt… Alors que le corps pourra réaliser un autre mouvement, employant le tai-otoshi (chute du corps) pour ajouter de la puissance à la coupe lorsque le sabre atteindrait théoriquement sa cible.
Tous ces éléments et d’autres concourent à un sentiment très différent de celui de l’Aikiken que j’ai connu. Clairement l’arme n’est pas là une abstraction, c’est une lame qui coupe et perce, profitant de chaque ouverture pour prendre l’avantage, jouant sur les rythmes et les déséquilibres pour vaincre. Elle doit être rapide et décisive, ne souffrant aucun mouvement ample ou inutile. Mais ce qui m’imprégna le plus par rapport à mes antécédents, est certainement la mentalité dans le combat, l’attaque et la défense ne font qu’un (攻防一), pressant et leurrant toujours l’adversaire (qui n’est partenaire que pour l’entrainement) pour profiter de ses fautes.
Il est extrêmement difficile de partager un ressenti par écrit puisque chacun possède des expériences différentes mais j’espère que ces quelques points donneront une idée de la façon dont le TSYR a totalement changé ma pratique du sabre. Pour en apprendre plus, il faudra attendre la venue de Tobin Threadgill en France les 7 et 8 mai : stage internationnal de Takamura ha Shindo Yoshin ryu ouvert au public.
Article très sympathique.
A un moment, vous dîtes que vous ressentez une sorte de problème quand à la connexion et la déconnexion. Pour ma part, je ne pense pas qu’il s’agisse tellement de cela. Ayant le parcours inverse, j’ai commencé par le sabre puis j’ai fait un passage par l’aikidô. Cela m’a été très profitable pour apprendre le relâchement de mon sabre et travailler sur l’amplitude qui fournit l’efficacité et la beauté du mouvement. La connexion/déconnexion, j’avoue ne pas la ressentir pour al simple et bonne raison que je ne réfléchis pas au mouvement, j’essaye au maximum de laisser les choses couler. Peut-être avez-vous encore une tension qui est présente ? Peut-être êtes-vous encore un peu trop concentré et de cela, le mouvement vous semble avoir des connexions et des déconnexions ?
Au plaisir de vous lire.
Des tensions j’en ai certainement toujours trop. Par contre je parle bien spécifiquement de connection et déconnection, mouvements très spécifiques dans les kata du tsyr (je ne peux parler que des écoles que je connais) comparés à l’aikiken oû on est bien plus sur une connection globale permanente (notamment au niveau des hanches).