Le hakama est devenu pour le public un élément emblématique de l’Aikido et du Kendo (au point que certains confondent les deux). Pourtant c’est une attribut vestimentaire classique du Japon traditionnel, encore utilisé aujourd’hui pour toutes les occasions un peu cérémonielles. Un de mes élèves ayant ajouté le hakama à sa panoplie d’entrainement, c’est l’occasion de parler de ce vêtement si particulier pour les occidentaux.
Commençons par tordre le cou à certains mythes. NON, le hakama n’a pas pour but de masquer le mouvement des pieds; cela n’a jamais été le cas, d’ailleurs s’il est porté correctement, on voit en permanence les pieds. Lors d’un combat le hakama pouvait être retroussé (une procédure qui a même un nom spécifique : momodachi) car il aurait été bien stupide de mourir en se prenant les pieds dedans. Il est alors tiré et enroulé de la longueur nécessaire au niveau du obi (ceinture). De même les longues manches de kimono peuvent être relevées par une cordelette (tasuki) croisée dans le dos pour libérer les mouvements.
Jikishinkage ryu – notez le momodachi en début de kata
Pratique de lance, hakama relevé (Kashima Shin ryu)
Deuxième mythe tout aussi répandu… Les 7 plis du hakama symboliseraient des vertus. Non. Aucun écrit ancien n’indique ce lien. Dave Lowry et d’autres historiens supputent que ce soit une interprétation récente (comme tant d’autres) qui est restée dans les moeurs. Bref le hakama actuel a 4 plis pour la jambes droite, 3 pour la jambe gauche (Dave Lowry émet l’idée dans son livre « In the dojo » que la jambe droite a plus de plis pour permettre un meilleur mouvement et une meilleure coupe du hakama lorsqu’on se lève, le pied droit devant être déplacé en premier).
Le hakama est un vêtement dont l’origine remonte à la cour du 8e siècle (période Heian), les guerriers ont progressivement adopté ce vêtement au point que pendant l’ère Tokugawa tous les samouraïs portaient le hakama mais aussi des marchands et des lettrés.
Les pratiquants actuels de koryu portent le hakama – quel que soit le niveau – car il fait parte de la tenue des samouraïs. Une partie des budo modernes ont conservé cette tenue: aikido, kendo, kyudo, iaido alors que d’autres s’en sont séparés comme le judo ou le karaté (ce qui s’explique par son origine non japonaise).
Parfois, comme en aikido, il peut être devenu symbole de grade ou de niveau : selon les styles d’aikido il n’est pas rare qu’il ne soit porté qu’à partir du 1er kyu ou du shodan (en Aikido Yoshinkan, seul l’instructeur qui fait cours à un instant donné sur le tatami porte un hakama – ce qui permet d’identifier le sensei du cours). Cette assimilation hakama / grade peut s’expliquer par le coût de ce vêtement au lendemain de la seconde guerre mondiale, il valait mieux y investir de l’argent que si l’on poursuivait suffisamment loin l’étude de l’Aikido. Au dojo Tesshinkan, le hakama fait partie de la tenue, il n’est en aucun cas un symbole hiérarchique et est porté par toutes et tous, néanmoins pour les mêmes raisons, l’achat d’un hakama peut attendre la confirmation des premiers mois de pratique.
Le hakama existait en de nombreuses matières, couleurs et variations en fonction des modes et usage. Nous utilisons le joba hakama – hakama à deux pans (séparation centrale comme un pantalon) mais pas le nobahakama aux pans plus resserrés et proche du corps – ce dernier est un hakama à usage du travail dans les champs. Toutes les couleurs sont possibles, mais dans les arts martiaux des couleurs plus discrètes sont appréciées : noir, bleu nuit, indigo, parfois marron… Le blanc peut être relié selon les écoles à des pratiques shintoïstes (et il est alors bien venu de ne pas créer d’impair) – c’est le cas en TSYR.
Le hakama est porté au dessus d’un keiko obi (ceinture plate et large) sans pantalon en dessous. A ma connaissance seuls les pratiquants d’aikido ont ajouté le pantalon issu de la tenue de Judo en dessous – Le judo avait développé son uniforme et allongé le pantalon pour réduire les brûlures par frottement sur le tatami. Une explication serait donc qu’en aikido le pantalon couvre les genoux en plus du hakama pour limiter le contact et les brûlures lors du suwari waza. Si l’idée se tient lorsque l’on compare au iaido ou au kendo (qui ont peu de déplacements au sol comparé au suwariwaza de l’aikido), elle s’avère plus limitée lorsque l’on considère tout le travail en idori (travail genou au sol) présent dans les koryu jujutsu… Encore un mystère mêlant tradition et modernité.
Lorsque l’on porte le obi et le hakama, la pratique du dégainage (batto/iai selon les écoles) devient plus consistante, la saya (fourreau) ne se déplace pas comme avec une ceinture de judo/karaté tout en ayant une aisance dans le mouvement. Il y a aussi des détails auxquels nous ne faisions pas attention sur la façon de se mouvoir, de déplacer les pieds, de se relever d’une position iaigoshi ou de petits gestes pour ne pas marcher sur le hakama. C’est ainsi l’occasion de pratiquer plus consciemment le shisei (la posture, l’attitude), qui participera à une bonne posture centrée et équilibrée à l’entrainement et dans la vie quotidienne.
Trés intéressant
[…] Hakama, une simple tenue […]
Le port du pantalon en Aïkido serait dû au fait que le fondateur était frileux et portait une couche de plus.
Par ailleurs, il est vrai qu’avoir un pantalon quand on est à genou est appréciable pour le confort, mais étant plus serré, il gêne dans les mouvements.
Apparemment tous les aikidokas sont devenus frileux et ont mal aux genoux… 🙂