Le kata – cet échange codifié à deux partenaires – est souvent délaissé dans la pratique moderne au profit de la répétition de techniques (waza) ou du shiai (confrontation). Pourtant, cet outil de transmission est au coeur de nombreuses ryu qui avaient un soucis d’efficacité.
Le kata est souvent incompris : les pratiquants pouvant l’approcher comme une danse robotique ou comme une confrontation où chacun va essayer de faire échouer l’autre dans un cadre très fermé.
Selon les écoles – voire selon les kata eux-mêmes, un kata représente une situation de confrontation, un duel ou un combat… Parfois ce n’est même pas le cas et il n’a aucune application immédiate ou jugée réaliste. Le kata, dans sa forme omote, est avant tout un moyen de transmettre un ensemble de principes. Il y a donc un apprenant (celui qui reçoit l’attaque et fait la technique – shitachi) et un partenaire, uchitachi, qui enseigne; mon sensei utilise le terme « teaching side of the kata » pour ce dernier.
« Le côté enseignant du kata » s’entend comme celui qui dirige l’attaque du kata, contrôle vitesse, timing et puissance et s’assure que shitachi soit poussé à réaliser les principes au coeur du kata – et non une réponse aléatoire et non reproductible. Il ne se substitue pas au sensei, il agit pour transmettre le savoir dans la réalisation du kata.
Mais le kata contient aussi le travail de l’intensité. Il ne s’agit pas d’acquérir ces compétences dans sa zone de confort rendant le kata aussi mort qu’une vieille pièce de musée. Le but est d’arriver à exprimer les principes sous stress, à forte intensité et vitesse réelle. Dans son essai « The Role Of Competition In Budo« , Peter Boylan évoque le stress dans les kata comparé à la compétition : « Lorsque j’ai été le plus stressé, ce n’était pas en compétition (…). Mon niveau de stress dépassa largement ce que je ressentais en compétition ».
Uchitachi va donc augmenter la pression, la puissance, chercher les trous dans l’exécution de shitachi – voire attaquer des zones non prévues dans le kata parce que Shitachi échoue à les protéger ou perd l’initiative. Si vous n’êtes pas présent, répétez le kata comme une litanie bien apprise, il ne sera pas étonnant de recevoir un coup salvateur à un endroit inattendu. La sanction est dure, inattendue, et décisive, le stress lors de la réalisation du kata devient tout autre, spécialement avec des armes.
Cette montée en puissance, cette pression sur shitachi, est mesurée par uchitachi. Elle ne doit pas transformer le kata en échange où les principes sont perdus. L’école Takamura ha shindo yoshin ryu a des pratiques semi-libres (souvent en armure et avec fukuro shiniai pour pouvoir utiliser plus de puissance sans augmenter drastiquement le danger) mais cette étape est très contrôlée, les pratiquants doivent être à même d’utiliser les principes de l’école dans ce travail.
Malheureusement, on voit souvent des vidéos de « pratique libre » au sabre/shinai sur internet, qui ne sont que des jeux à la touche où tout kihon (base) est inexistant. C’est l’écueil que l’on peut trouver dans l’utilisation du shiai libre (confrontation) comme moyen de pratique. Ainsi Jigoro Kano, dès 1937, voulait réformer la façon de pratiquer le randori en judo : « dans le randori tel qu’il est largement pratiqué aujourd’hui, parce qu’il a été diffusé trop vite et que les consignes n’ont pas suivi, les pratiquants commettent des erreurs sans s’en apercevoir, ce qui fait qu’il est pratiqué d’une façon inadaptée pour s’exercer à un affrontement réel et également inadéquate en termes d’éducation physique. Comme personne dans le dōjō ne porte réellement d’atemi, ne transperce au couteau ou pourfend au sabre, ceux qui adoptent de façon insouciante une attitude qui ne leur permet que difficilement d’esquiver rapidement lorsqu’ils sont attaqués, jambes écartées, hanches baissées et tête en avant, ne sont pas rares. » — Jigoro Kano « A propos de l’objectif de la section spéciale d’exercice de randori que je compte bientôt mettre en place au Kōdōkan«
Le kata n’est pas que la première étape de l’apprentissage, à savoir où poser ses mains et ses pieds. C’est au contraire un outil très vaste, qui permet le process d’apprentissage shu-ha-ri, pour peu que l’on sache le pratiquer dans ses deux rôles et qu’on y mette toujours l’intensité et l’intention nécessaire.
J’écrivais déjà, il y a 6 ans ces quelques lignes sur l’intention dans le kata : <a href="http://<!– wp:paragraph –> <p>ttps://surlespasdemars.wordpress.com/2016/06/02/enseignement-et-intention/</p> <!– /wp:paragraph –> <!– wp:paragraph –> <p></p> enseignement et intention.
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