
Les premières deux années de Covid, ponctuées de multiples restrictions, ont fortement limité la pratique des arts martiaux. Souvenons-nous que les salles de sport et assimilées ont longtemps été fermées. Interdiction de se réunir, autant dire interdiction de pratiquer pour les arts martiaux japonais centrés sur le travail à 2 (j’espère que vous avez pu le remarquer). Bien que nous créons des exercices solo, ou que certaines écoles (comme le Shindo Yoshin ryu) ont l’exotisme d’inclure des kata solo, les arts martiaux japonais – assez éloignés sur le sujet de leurs cousins chinois – s’appuient quasi exclusivement sur la relation à 2 (et plus si affinité martiale).
Nous fumes donc fortement impactés. Et ce, même si les règles sanitaires variant, il a pu être possible au bout d’une longue période de s’entrainer avec masque et sans contact rapproché (les armes par exemple). Quasi tous les pratiquants ont testé les fameux keiko/stage par zoom (ou tout autre outil de visio conférence), les partisans de la modernité comme les réfractaires à l’emploi d’outils modernes. Mais s’il est bien agréable de conserver un contact humain, personnellement je ne trouve pas que cela fonctionne. Tout est trop virtuel, trop lointain, trop indirect… On s’en doutait, sinon tous les groupes éloignés de leur sensei, useraient et abuseraient de ces entrainements streamés à distance. C’était un moyen faute de mieux, faute de quelconque option.
Depuis plusieurs mois, les pratiquants reprennent leurs habitudes. Les stages fleurissent à nouveau, les entrainements peuvent se dérouler normalement. Mais combien de pratiquants avons-nous perdu en cours de route ? La covid a généré une lame de fond dans le milieu professionnel. Aux Etats-Unis, on parle de la grande démission, en France – toujours un peu plus frileux de perdre le confort de son emploi – cela n’a pas la même ampleur… Mais tout de même, les mentalités semblent avoir changé (pas sur la non surconsommation, « le monde nouveau » promis en début de covid vite effacé par la reprise des habitudes – des manques de la période Covid). Emprisonné dans son petit appart, parfois loin des gens souhaités et parfois trop près de personnes qu’on croyait supporter (combien de problèmes conjugaux avec des conséquences des plus graves ?), chacun a pu mesurer ce qui était important dans sa vie, le quotidien avait-il un sens ?
A chaque desserrage sanitaire, les Français ont plébiscité les activités extérieures (promenades, vélo, équitation…) voire le contact avec les animaux (être bien plus simples à supporter que l’être humain dont on partage les 20 m² habitables…). Mais qu’en est-il chez les pratiquants ? Il est encore tôt pour faire des statistiques mais il me semble que les effectifs des dojo ont souffert de cette période. On sait tous qu’il peut être dur de reprendre des activités basées sur la répétition après un long arrêt et toutes les écoles n’ont pas l’attrait de la compétition pour rappeler les troupes.
Faut-il s’en émouvoir ? Je ne pense pas (en tout cas si on n’en fait pas son métier). J’observe que les adeptes les plus engagés se voient renforcer dans leur volonté – besoin intrinsèque – de pratiquer et de progresser. D’autres au contraire voient là l’occasion d’essayer autre chose – dans le domaine martial, professionnel ou tout autre – et c’est bien ainsi, au même titre que les martial addicted, ils cherchent – ne restent pas sur place en cherchant leur propre voie tant qu’ils en ont la liberté ou le temps.
Plutôt que de regarder l’impact négatif du covid, voyons-y plutôt une renaissance de la pratique, un regain d’enthousiasme des pratiquants. Car, au final les dojos d’arts martiaux n’ont jamais été fait pour gérer des foules, mais pour permettre à un groupe de passionnés d’étudier, progresser et transmettre. Bons entrainements à toutes et à tous.
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