Décontractez-vous !

 

J’aurais pu intituler ce billet à la façon d’un humoriste français : « Décontractez-vous, bordel ! ».

Différentes expériences récentes m’ont fourni matière à ce petit billet. Il n’est pas rare d’entendre dans un cours d’arts martiaux les mêmes phrases répétées encore et encore. On dirait un disque rayé, que le sensei diffuse à chaque cours et que les sempaï se pressent de reproduire façon mégaphone. Vous débutez en début d’année mais dès la première saison terminée vous connaissez déjà le refrain par coeur. Choisissez le votre : « Décontracte-toi », « Sois souple », « Utilise moins de force », « Tiens toi droit », « Plus vite », …

Mon préféré c’est « Décontracte-toi ». OK, qui l’a déjà entendu ? Je vois une forêt de mains se lever jusqu’au fond de la pièce. Sérieux, c’est évident que diable : décontractez-vous ! Qui a déjà eu une explication cohérente pour atteindre cette miraculeuse décontraction ? Là je peux parier que bien peu garderaient leur main levée.

Et encore, je ne considère pas qu’expliquer que, la décontraction est en fait l’utilisation des seuls groupes musculaires nécessaires à la forme (et au juste niveau de contraction) associé à la non mobilisation des muscles antagonistes et des autres muscles, soit d’une grande valeur. (Oui, si on est totalement décontracté, on tombe juste sur le sol). OK, déjà cela peu de professeurs l’exprime, mais on est encore loin d’une méthode pour y parvenir, on est juste dans le « constat physique ». Franchement, lorsque votre pratique en est réduite à ça, changez de professeur. Même chose si vous pratiquez l’Aïkido et que vous n’avez jamais entendu le mot « déséquilibre ».

Si vous passez du temps au dojo, c’est pour progresser et avoir une méthode qui vous guide sur ce parcours semé d’embûches.  Si vous devez apprendre par le seul miracle qu’au cours des répétitions vous aurez l’illumination (le satori chez les japonais), on vous vend du rêve. Effectivement les doués (les Ueshiba, Mifune, …), ceux qui ont un sens inné dans des disciplines physiques, n’ont pas besoin d’explications, juste d’une situation, d’un partenaire, et d’un peu de chance aussi. Une poignée d’élus par génération. Mais pour le reste du commun des mortels ?

J’en parle parce que j’ai rencontré ce cas dans tes tas de domaines : avoir un professeur, bon technicien, mais incapable en réalité de faire passer son savoir. Pourquoi ? Parce quand il vous dit de vous décontracter, il ne peut pas vous dire grand chose de plus. Il ne sait pas vraiment comme il y parvient : simplement il le fait. Peut-être que cela suffit à certains – et à une époque seul le mimétisme régnait dans l’ « enseignement », mais désolé, pour moi et à notre époque, un enseignant doit avoir fait le travail de décortiquer sa technique, de la déconstruire pour arriver à la faire construire à ses élèves. Sans ça, une vidéo de démonstration suffira pour enseigner.

Lorsqu’à l’entrainement de ce samedi matin, on m’a dit que l’école avait une profondeur incroyable dans le geste et sa précision (entendez par là, tous les principes sous-jacents à la réalisation correcte du geste et à son efficience), cela m’a rappelé d’un coup ce que j’avais pu rencontré. Le manque souvent de méthode de transmission et de compréhension de la mécanique d’un geste, conduisant au fil du temps à un appauvrissement (on répète, on répète de génération en génération puis un jour on décide de se débarrasser d’un kata car on ne sait plus trop bien ce qu’il apporte ou comment il devrait fonctionner).

Alors un conseil, si vous êtes passionné par votre discipline, aikido, judo, etc… Ne vous contentez pas des phrases fourre-tout, assurez-vous d’avoir un moyen y parvenir, un chemin balisé.