Après ma précédente traduction sur les moyens de nourrir sa pratique hors du tatami, je vais ajouter quelques resources livresques qui me semblent intéressantes pour le pratiquant de jujutsu classique.
Tout d’abord je trouve le payasage français assez pauvre en livre de qualité sur les arts martiaux japonais ou leur contexte. Faute de pouvoir lire en japonais c’est donc vers les sources anglo-saxone que je me tourne régulièrement. C’est une des raisons qui m’ont poussé à publier régulièrement des traductions sur ce blog et j’espère trouver encore à l’avenir des textes intéressants à traduire en langue française.
En ce qui concerne les livres, je partage tout à fait la liste déjà ébauchée par Peter Boylan. Pour les membres du groupe Tesshinkai je conseille la lecture de différents articles sur notre école à la source : http://www.shinyokai.com/essays.htm ou à défaut les traductions que j’ai pu en faire : https://surlespasdemars.wordpress.com/tsyr/.
La 2e édition de « Old School » d’Ellis Amdur me parait aussi un document de premier plan avec son chapitre sur les Yoshin ryu et la mise en contexte qu’il fait de l’époque Edo, époque dont est issue le Shindo Yoshin ryu, et met en perspective de nombreux aspects de l’école. Le chapitre sur le Keppan est aussi une lecture qui permettra au pratiquant de mieux appréhender les différences entre koryu et budo moderne.
Plus généralement lorsqu’on pratique et est membre d’un koryu, une ancienne école, la dimension historique est une part importante de notre héritage. Les pratiques et traditions ont un contexte qui n’existe plus aujourd’hui, disparu et transformé suite à la restauration Meiji et la disparition de la caste des samouraïs. Comme pratiquant d’une école de Jujutsu de la fin de l’époque Edo dont les racines remontent au XVIe siècle, deux aspects me semblent importants : avoir une vue claire de ce qu’étaient les samouraïs aux différentes époques (et détruire nombre de mythes), et comprendre la période Bakumatsu (1853-1868) – la fin de la période Edo, conclue par la restauration Meiji et annonçant la modernisation du Japon (puis la création des budo).
Koryu, samouraïs et traditions
Sur les koryu, il y a bien sûr la série de livres « Koryu Bujutsu: Classical Warrior Traditions of Japan » de Diane Skoss que l’on ne présente plus, regroupement d’articles et d’essais sur les traditions classiques ainsi que les articles du site koryu.com.
Bien que centrée sur l’école Kashima Shin-ryu, « Legacies of the Sword: The Kashima-Shinryu and Samurai Martial Culture » possède plusieurs chapitres qui permettent de mieux resituer qui étaient les samouraïs et quelles étaient leur relation aux koryu.
Toujours de Karl Friday, « Samurai, Warfare and the State in Early Medieval Japan » permet d’avoir une idée de la guerre aux périodes Heian (794 – 1185), Kamakura (1185–1333) et Nambokucho (1333 – 1392). Bien avant la période Edo et son image romantique du guerrier, mais aussi avant la fameuse période du Gengoku, époque des « provinces en guerre » qui vit la formalisation de plusieurs koryu.
Edo, le bakumatsu puis la restauration Meiji
Sur la fin de l’époque Edo, je conseille vivement la lecture du livre « Samurai Revolution: The Dawn of Modern Japan Seen Through the Eyes of the Shogun’s Last Samurai » de Romulus Hillsborough. Il y traite de cette période tumultueuse qui oscille entre rejet des occidentaux et modernisation à marche forcée qui vit la fin des Shogun et le rétablissement du pouvoir de l’empereur. Sa lecture permet d’avoir une vue d’ensemble des courants de pensée qui s’opposent pendant le Bakumatsu.
Toujours de Romulus Hillsborough, « Ryoma: Life of a Renaissance Samurai » est l’un des rares livres en anglais se focalisant sur un des personnages principal de la modernisation du Japon féodal. Sans le connaître vous avez sûrement déjà croisé son effigie si vous vous renseignez sur l’époque des samouraïs.
Du même auteur on pourra lire « Shinsengumi: The Shogun’s Last Samurai Corps ». Les Shinsengumi étaient une milice favorable au Shogun et en chage de la sécurité et du contrôle de la ville de Kyoto. Opposés aux rebelles qui conduirent à la restauration Meiji, leur histoire offre une autre facette au conflit interne du Japon pendant le Bakumatsu.
Pour donner un peu plus de corps aux opposants des « révolutionnaires », le livre « Remembering Aizu: The Testament of Shiba Goro » est une autobiographie d’un membre du clan Aizu, clan qui défendit jusqu’au bout le Shogunat et qui subit une amère défaite sous le jouc des clans vainqueurs. On peut y percevoir toute la rancoeur qui persista au fil du temps face à une « révolution » qui fit la part belle à quelques clans.
Enfin sur la fin de cette période et la période Meiji, les plus courageux pourront lire le long mais intéressant « Emperor of Japan: Meiji and His World, 1852-1912 ». Près de 1000 pages décrivent année par année la vie de l’empereur Meiji et les événements qui s’y rapportent.
Derrière la romance…
Nous percevons les samouraïs et leur époque par un prisme romantique issue des films et des romans au même titre que les chevaliers du moyen-âge. Parfois quelques livres réussissent à écorcher cette image (fuyez le bushido de Inazo Nitobe !!). Voici quelques ouvrages qui peuvent être intéressants à lire.
« Miyamoto Musashi: A Life in Arms », de William de Lange, et une biographie commentée du célèbre escrimeur. Un certain nombre de mythe y sont battus en brêche tant Musashi revêt de nos jours d’une image romancée.
« Musui’s Story: The Autobiography of a Tokugawa Samurai », cette autobiographie de Katsu Kokichi nous éloigne fortement de l’image romantique du samouraï… Jeu d’argent, vol, disputes…
Dans les arts martiaux, tout est vite estampillé « traditionnel », et les japonais sont particulièrement efficaces à transformer mythe en Histoire ou invention ponctuelle en tradition. L’ouvrage « Mirror of Modernity – Invented Traditions of Modern Japan » est une collection d’essais sur des thèmes japonais divers et souvent hors du champ martial, qui permet de relativiser le traditionalisme dans le Japon moderne.
« Inventing the Way of the Samurai: Nationalism, Internationalism, and Bushido in Modern Japan », Oleg Benesch, ouvrage à mettre en regard du fameux « Bushido » de Inazo Nitobe.
Et sur internet…
Le numérique ayant pris une place importante depuis de nombreuses années, les sources de documentation et d’inspiration ne manquent pas sous forme de blog ou d’articles. Voici quelques blogs intéressants à découvrir ou re-découvrir en ce qui concerne les koryu et bujutsu :
Kogen budo (blog d’Ellis Amdur)
Et les articles du site du Shinyokai.
Mais n’oubliez pas que la lecture ne remplacera jamais la pratique…
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