Qui est votre enseignant ?
Par Peter Boylan. Avec sa permission pour la traduction. Article original : http://budobum.blogspot.jp/2015/12/who-is-your-teacher.html.
Qui est votre enseignant ? Est-elle un ami ? Est-il un mentor ? Un guide compétent ? Un mercenaire dont le travail est de vous enseigner les techniques pour lesquelles vous avez payé ? Un entraîneur physique ? Un mystique ? Un coach sportif ? Un philosophe ? Un instructeur ?
Les enseignants de Budo existent sous beaucoup de formes, de tailles, de styles et de rôles. Le titre que nous utilisons pour eux n’est pas important; enseignant, sensei, Sifu, entraîneur, ou tout simplement Madame ou Monsieur. Le titre exact n’est pas le point important. La chose importante est ce qu’ils font et qui ils sont.
Ce que fait un enseignant semble assez simple. Ils nous enseignent les techniques de notre art. Au début, ils nous enseignent les positions de base, puis les mouvements et les techniques qui composent notre style particulier de budo. Ils nous entraînent et nous forment dans les exercices qui vont nous polir et nous permettre de maîtriser notre art martial. C’est ce qui fait un grand professeur, non ? Pas seulement la personne qui dirige la classe des débutants, mais aussi le professeur qui nous inspire et nous soutient et devient un modèle du genre d’artiste martial et de personne que nous voulons devenir. Qu’est-ce qui fait un enseignant ?
Du point de vue purement technique, surtout au début de la pratique, ce que nous avons vraiment besoin sont des entraîneurs avec une touche d’instructeur en eux. Et un peu de sainte patience si vous êtes la pauvre âme essayant de m’enseigner quelque chose de subtile pour la première fois. Les cours de débutants ont tendance à partager beaucoup de similitudes entre les arts. Ils ont une vision étroite sur quelques éléments fondamentaux de l’art. Que l’art soit à propos de projeter ou de frapper ou de réaliser une clef articulaire ou d’utiliser des armes, les cours de débutants consacrent leur temps sur les mouvements de base que vous devez savoir à froid puis connaître si bien que vous oubliez que vous les connaissez.
Les enseignants pour ces classes de débutants doivent répéter les mêmes choses encore et encore et encore jusqu’à ce que vous jureriez qu’ils deviennent fous d’ennui. D’une certaine manière les bons ne le deviennent jamais. Les bons enseignants sont des entraîneurs patients et des instructeurs qui nous poussent, parfois nous traînant, criant et nous débattant, vers le but d’absorber les fondamentaux si profondément dans nos muscles et nos os que nous pouvons oublier que nous les connaissons, oublier qu’ils sont encore là afin nous puissions apprendre des techniques qui reposent sur eux.
J’ai eu un certain nombre d’enseignants qui étaient bons pour cela. Kiyama Sensei excelle à être un instructeur patient. Il prendra un bokken et se tiendra à l’avant du dojo, criant « Mo ichi do! » et à taper le bout du bokken sur le sol pour indiquer quand commencer. Il se tient là, 90 ans et la posture encore parfaite, nous regardant pratiquer avec une concentration encore plus aiguisée que son épée. Après une heure ou deux de pratique conduites sous ce regard intense, vous êtes essoré, ruisselant d’effort, et silencieusement ravis d’avoir absorbé un autre entrainement avec lui.
Les grands enseignants ne sont pas seulement des coachs et des instructeurs. Kiyama Sensei semble toujours heureux et désireux de faire un entrainement, qu’il fasse répéter les fondamentaux à un groupe de débutants, ou de travailler avec un étudiant de haut rang qu’il essaie de mener à la découverte de la compréhension subtile du myou 妙, les mystères de l’art . Les professeurs vraiment bons sont en mesure d’adapter ce qu’ils font, et de passer de l’instructeur implacable à un guide qui vous conduira le long de chemins forestiers à peine détectables.
Le très grand art ne démarre pas avant que nous nous soyons imprégnés jusqu’aux os dans l’essence du budo que nous étudions afin d’en exprimer les fondamentaux sans y penser, et même quand nous sommes activement distraits de leur part. Notre professeur a alors besoin d’une approche très différente de celle qui nous a fait mariné dans les fondamentaux. Maintenant, nous avons besoin d’un enseignant qui peut nous guider vers la délicate maîtrise qui ressemble à de la magie pour les débutants. Cela nécessite une autre sorte de patience.
Il faut aussi un enseignant qui ne se sente pas menacé quand un étudiant commence à comprendre leur art à un niveau profond et commence à passer de l’étudiant de l’enseignant à un collègue. J’ai vu beaucoup de gens qui ne pouvaient pas gérer cette transition. Les enseignants ayant un ego insécurisé ou un besoin de contrôle semblent se sentir menacés quand leurs élèves commencent à approcher du même niveau qu’eux. Malheureusement, voir un professeur excellent techniquement dont l’ego ne peut pas gérer d’avoir quelqu’un proche de son niveau n’est pas rare. Il y a beaucoup de dojo où il semble toujours y avoir un écart important entre le niveau de l’élève et celui du professeur principal.
Les grands professeurs savourent qu’avoir quelqu’un qui croît du simple étudiant de base au collègue avec qui il explore toujours plus profondément et plus subtilement les aspects de l’art. Comme dans tout domaine d’enseignement, de grands professeurs de budo sont ravis lorsque les élèves les surpassent. Seuls les pauvres fous sont jaloux et bouleversés quand un étudiant les dépasse. L’une des responsabilités d’un enseignant est de transmettre leur art à une nouvelle génération. C’est un professeur chanceux lorsqu’il inspire un étudiant à découvrir plus de l’art que lui-même n’en connait.
Au fur et à mesure que nous passons plus de temps dans le budo, nos enseignants deviennent nos amis. Dans quelque chose comme le budo, où nous pouvons étudier et progresser pour 50, 60, 70 ans et plus, j’espère sincèrement que nous devenons amis avec nos professeurs. Nous allons passer beaucoup de temps avec eux. Les grands professeurs sont à l’aise avec le changement de type de relations et de rôles. Ils peuvent être l’enseignant dans le dojo, et un ami à dîner. J’ai écrit à propos de la confiance que nous développons avec les personnes avec qui nous nous formons, et c’est encore plus vrai pour nos enseignants. Les grands professeurs ne prennent pas cette confiance pour se construire un piédestal sur lequel se tenir. Ils la retournent, partagent leurs découvertes et leurs faux pas au long du voyage que nous partageons en budo.
Au début de mon voyage en budo j’ai eu un professeur qui m’avertissait de ne pas le mettre lui ou tout enseignant sur un piédestal. Il semblait bien se connaitre, il était un excellent professeur pour moi à ce moment, mais connaissait ses défauts. Alors que nous murissons le long du chemin, nous avons parfois à apprendre que tous nos enseignants ne sont pas grands. Certains d’entre eux nous les dépassons en tant qu’êtres humains très rapidement. Les grands professeurs peuvent devenir nos amis et collègues le long de la voie, mais ils restent des enseignants et des inspirations.
Le budo n’est pas seulement les techniques de l’art que nous étudions. Le budo consiste à savoir comment nous abordons et gérons le monde que nous rencontrons tout en marchant le chemin de la vie. Les grands professeurs sont grands et pas seulement dans le dojo. Takada Sensei avait un iai incroyable. Il avait aussi une merveilleuse joie de vivre, et des manières respectueuses pour tout le monde que j’espère un jour imiter. Le budo de Kiyama Sensei est une incroyable inspiration dans sa puissance et sa férocité, mais sa maîtrise signifie que la plupart des gens pensent qu’il est un grand-père doux et gentil. Il n’a pas besoin de prouver son budo à quiconque. Vous pouvez toujours le voir si vous savez ce qu’il faut chercher. Sa posture est si parfaite que je suis gêné par la mienne même en tapant ceci. Sa concentration et son contrôle ne le quittent jamais. Pas plus que le respect qu’il donne à chacun, de l’enfant de 5 ans qui commence le kendo jusqu’aux instructeurs les plus anciens et les épéistes les plus gradés.
Je ne pense pas qu’il y ai de la place dans la vie de la plupart des gens pour un grand nombre d’enseignants. Je suis heureux d’en avoir connu plusieurs, et d’en avoir quelques-uns que je peux appeler « mon Professeur ». Cela n’arrive pas souvent. Si vous en trouvez un, il faut le chérir. Le plus grand honneur et récompense que j’ai reçu dans ma carrière de budo est quand ils disent à quelqu’un que je suis leur élève. Aucun grade ne signifiera autant pour moi.
Qui est votre enseignant ? Est-elle votre entraîneur ? Votre instructeur ? Votre guide ? Votre compagnon d’exploration le long de la voie ? Votre ami ? Tout cela et plus encore ? Si non, vous n’avez pas encore trouvé votre professeur. Continuez de regarder. Elle/Il est là quelque part.
Merci d’avoir pris le temps de réaliser cette pour traduction.
Lionel
Merci pour ta lecture,
Nicolas