Le terme traditionnel est rencontré dans de nombreux styles que ce soit en Aikido, en Judo/jujutsu ou en Karaté… Mais il est bien difficile de se repérer dans cette forêt d’écoles dite traditionnelles tant chacun y va de sa propre définition.
Le problème est que le terme « traditionnel » est amplement employé en opposition à une pratique sportive ou compétitive. Dans ce paradigme, tout ce qui n’est pas dédié à la compétition devient alors « traditionnel » dans la communication de ces écoles. C’est pratique, facile pour classifier mais un peu éloigné de la réalité.
Parmi les différentes définitions du Larousse, on peut lire : « Manière d’agir ou de penser transmise depuis des générations à l’intérieur d’un groupe ». Le terme recouvre à la fois une expression physique et/ou de l’ordre de la pensée. Pour que ces pratiques soient une tradition, il faut qu’elles soient transmises sur plus d’une génération. Cela implique un lien direct entre différents individus sur un laps de temps assez long.
Aussi on voit fleurir régulièrement des révisions de l’Histoire afin de raccrocher une pratique à un lontain passé, souvent phantasmé tel celui des samouraïs. Ces pratiques ne sont pas forcément sans valeur, loin de là, mais leur juxtaposition à des sports martiaux les poussent parfois à amplifier un peu ce lien historique.
Récemment j’ai rencontré plusieurs sites indiquant que les techniques de jujutsu (jûjutsu, jujitsu, etc… Selon les écritures du même nom générique, voir notamment cet article pour une idée des synthèses autour du jujutsu : Les synthèses, les autres trucs et le jûjutsu) auraient été codifiées au début de l’ère Meiji (1868-1912). Une affirmation étonnante puisque les écoles classiques de jujutsu sont justement une codification de leurs techniques à des fins de transmission, et on sait par exemple que le Takenouchi ryu fut fondé en 1532 (toujours transmis de nos jours), le Tenjin Shin’yo ryu (ancêtre du judo) en 1830, le kito ryu (autre ancêtre du judo) au XVIIe siècle, le Yoshin ryu vers 1632, etc… Toutes ces écoles se sont transmises via une codication (kata) de leurs principes et techniques. En fait, c’est le judo kodokan de Jigoro Kano qui est fondé au début de l’ère Meiji à partir des techniques et kata de Tenjin Shin’yo ryu et Kito ryu que Kano sensei étudia.
De même des synthèses parfois trés diffusées de nos jours sont somme toute récentes, tel le jujitsu proposé par la FFJDA, une synthèse datant des années 70 de judo (méthode Kawaishi), d’atemi-jutsu, de karaté shotokan et d’un peu d’aikido. D’autres encore ajoutent le terme traditionnel pour se distinguer de changements (supposés ou réels) récents dans une discipline…
Dans les koryu, les anciennes écoles japonaises fondées avant la révolution Meiji (date à laquelle le shogunat perd le pouvoir), on entend par tradition la transmission d’un ensemble de savoirs cohérrents sur plusieurs générations avec une lignée directe entre chaque génération. De plus on parle là de connaissances issues de l’époque féodale et non de pratiques datant de l’époque moderne du Japon où l’occidentalisation est à l’oeuvre dans l’archipel nippone (le judo par exemple tient notamment son succès de l’emploi de méthodes occidentales modernes et de nombreux budo le suivront dans cette nouvelle voie).
En résumé, le terme « traditionnel » est employé pour des transmissions datant de plusieurs siècles à des transmissions n’ayant pas excédé une ou deux générations. Ce qui ne pose pas problème si on ne tente pas de reconstruire une ancienneté non directe, ou pire une lignée douteuse (nous connaissons tous des écoles construites de toute pièce à partir d’éléments traditionnels pris au grès des rencontres, par exemple). Malheureusement, il reste souvent un argument marketing qu’il faut considérer avec circonspection.
ps : en ce qui concerne le jujutsu vous pourrez aussi lire à profit cet article de Shinryu ainsi qu’une définition du jujutsu
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