L’école Takamura ha Shindo Yoshin ryu emploie un sabre dont la tsuka (poignée) est plus longue que ce que l’on trouve communément en iaido, l’art de dégainer le sabre et couper l’adversaire d’un geste. Alors que la longueur recommandée sera souvent de 27 cm environ pour ma taille, la tsuka de mes sabres atteint 33 cm. Cette particularité classe le sabre du TSYR comme un daito (sabre long) plutôt qu’un katana.
Plusieurs textes font part de ces poignées inhabituellement longues notamment les documents sur Hayashizaki Jinsuke Shigenobu. Hayashizaki Jinsuke Shigenobu (1546 – 1621) est considéré comme un maître ayant fait renaître le iaijutsu. Il apprit de nombreuses écoles avant d’établir sa propre école, Shinmei Musō-ryū. Bien que l’idée de dégainer et couper l’adversaire en un geste continu ne soit pas nouvelle – le iaijutsu existant déjà dans d’autres écoles – Hayashizaki Jinsuke Shigenobu et ses élèves développèrent plus profondément cette pratique. Le nom de l’école changea régulièrement au cours du temps mais son influence se retrouve de nos jours dans plusieurs écoles de iaido.
Dans le Hojo Godaiki, il est écrit que :
L’utilisation de sabre avec une poignée inhabituellement longue commença lorsque la divinité Myojin apparut à Hayashizaki Kansuke Katsuyoshi sous la forme d’un vieil homme et lui enseigna la valeur d’une longue poignée.
Le nom Katsuyoshi est employé mais dans les documents transmis au sein de l’école il apparait sous le nom Shigenobu. Les deux noms désigneraient d’après John Rogers la même personne : Hayashizaki Jinsuke Shigenobu (voir sa traduction de Honcho Bugei Shoden dans Monumenta Nipponica (46:2) ).
Comme dans de nombreuses traditions martiales, la source du savoir est ici associée au kami. Myojin est un terme archaïque qui désigne des kami particulièrement puissants physiquement et de grande vertue.
Le Hojo Sounki insiste à nouveau sur ces sabres au manche long associés à Katsuyoshi et l’on en apprend un peu plus sur ces techniques :
Ce fut Katsuyoshi qui commença à porter des sabres à la poignée longue et Tamiya Heibei Narimasa qui l’enseigna. Narimasa portait des sabres à la poignée longue et voyagea dans les provinces pour s’entrainer à l’art du sabre. Il disait souvent qu’une différence de 8 sun dans la longueur de la poignée créait trois fois plus d’avantage lorsque les sabres étaient croisés. Dès qu’il enseigna ce principe profond et secret aux autres, tous portèrent des sabres avec des poignées plus longues.
Tamiya Heibei Narimasa est le fondateur du style Tamiya Ryu Iai jutsu pendant l’ère Tempo (1573-1591). Tamiya Heibei Narimasa fut l’élève de Hayashizaki Jinsuke Shigenobu.
L’épée à la poignée était parfois appelée Nagae katana (長柄刀) et L’école Tamiya ryu iai jutsu contient l’explication suivante sur ses avantages (source : http://www.ustamiyaryu.org/ustriinfo.html) :
Prenons deux épées qui sont de la même longueur (de lame), si la garde de l’une est plus longue de 2 sun (ou environ 6 centimètres) plus il y aura, dans ce cas, le triple avantage mentionné précédemment. Tout d’abord, il sera difficile pour l’adversaire de m’atteindre mais il sera facile pour moi de l’atteindre, résultant en un avantage de 8 sun. Deuxièmement, si le Nagaekatana est maintenu au dessus de la tête (en Jodan no kamae), ce sera bon pour regader l’adversaire vers le bas, alors que l’adversaire devra lever les yeux à une certaine distance. Troisièmement, parce que l’adversaire doit se rapprocher, j’ai un autre avantage, car à l’inverse, je peux atteindre l’adversaire sans avoir besoin de me rapprocher, donc dans l’ensemble, j’ai un triple avantage. Ceci est ce qu’on appelle Mikoshi Sanju Ri no Shinmyo Nagae Denju ou l’enseignement mystérieux des trois avantages prévus de la poignée longue.
D’autres caractéristiques peuvent encore être associées aux longues tsuka : avec l’écart des mains, l’effet de levier au contact est plus avantageux, et le contrôle de la pointe (kissaki) dans l’espace plus précis mais à l’inverse, la coupe peut être moins facile qu’en resserrant les mains sur la poignée.
D’autres écoles utilisaient et utilisent encore une tsuka longue comme l’Akiyama Yoshin ryu, Matsuzaki Shinkage ryu, Shingetsu Muso Yanagi ryu, Shinshinkage ryu, Hayashizaki ryu et différentes branches de Jikishinkage ryu et de Eishin ryu.
ps : si l’achat d’un sabre ou d’un bokken est des plus simplifiés à l’ère d’internet, il convient d’acquérir des armes répondant aux critères de l’école étudiée, les techniques prenant implicitement en compte la géométrie spécifique de l’arme. Cet article ne parle que de la longueur de la tsuka, mais la longueur de la lame ou le sori (courbure) sont tout aussi importants.
Bonjour,
Très intéressant 🙂
Il se trouve que dans notre courant de MJER iaijutsu nous utilisons des sabres aux tsuka longues mais aussi au nagasa bien plus long que sur les boken ou iaito classiques.
Cependant nous préférons faire travailler les débutants avec des boken plus courts au début afin d’assimiler les concepts de nukitsuke ou noto 🙂
Cependant, notre sensei nous démontre beaucoup d’utilisations de la tsuka et de la saya dans le cas de contres ou de défense, le tout se mêlant au jujutsu (le plus étonnant étant l’immobilisation d’un adversaire à l’aide de sa propre saya ^^)
Votre blog est cool et intéressant mais très chrono phage 🙂 continuez j’ai hâte de lire d’avantage 😀
Cdt
Sekiguchi Hitômaru