Suite du post sur les principes fondamentaux des budo, Peter Boylan (The Budo Bum) nous parle cette fois du ma’ai.
Les principes les plus essentiels en Budo: Ma’ai
Par Peter Boylan. Avec sa permission exclusive pour la traduction. Article original : http://budobum.blogspot.fr/2014/07/the-most-essential-principles-in-budo.html
Il n’y a pas un élément essentiel unique dans les bons budo. Il y a un certain nombre d’éléments qui constituent les fondements communs de tout bon budo, que ce soit à mains nues, avec de petites armes, des épées, des lances et des naginata ou même du kyubado. J’ai écrit sur la structure dans un précédent post. Un autre principe essentiel est ma’ai 间 合, souvent traduit par la distance (au sens intervalle). Ce principe semble simple, et s’avère être extrêmement complexe et subtil.
Au niveau le plus fondamental, l’intervalle est la distance entre vous et votre adversaire. C’est le niveau le plus élémentaire. Après cela se complique rapidement. Ma’ai 间 合 est le terme japonais, et bien qu’il se réfère à la distance, il implique également la bonne distance ou la distance correcte. Le problème et la complexité viennent du fait que la bonne distance est différente à chaque rencontre.
Commençons juste avec des rencontres à mains nues pour garder les choses simples. Je mesure 183 cm de hauteur. Ma portée et mon rayon d’action est plus important que ceux de quelqu’un de 160 cm de haut, en supposant que nous utilisons tous les deux les mêmes sortes d’attaques. Ma portée est plus importante, donc je n’ai pas besoin d’être aussi près pour l’atteindre, établir une connexion et appliquer une technique de judo. Un adversaire de 160 cm doit venir à ma portée avant de pouvoir attaquer.
Cela semble assez simple. Pourquoi ce sujet alors? Je suis un judoka, donc je ne suis pas fan des coups de poing et coups de pied. Supposons donc que mon adversaire de 160 cm est maintenant compétent en TaeKwonDo. Oups! Le ma’ai a juste changé de manière significative, et pas en ma faveur. Maintenant, les coups de mon adversaire sont efficaces à une plus grande portée que ma lutte. D’autre part, si je vais à l’intérieur de sa distance effective, ma lutte est plus efficace que sa frappe.
Donc une bonne distance, ma’ai, change avec la portée de la personne et les techniques utilisées. C’est la combinaison de votre rayon d’attaque efficace et celui de votre adversaire. Ce qui est bon pour l’un est plus que probablement non optimal pour l’autre. Le kendo décompose le ma’ai en plusieurs distance distinctes, ce qui est plus facile en kendo parce que la longueur des shinai est contrôlée pour éviter de grandes différences entre kendoka. La communauté du Kendo a analysé leurs trois distrances principales, toma, issoku-no-maai, Chika-ma (en dehors de la portée d’attaque, attaque avec un pas, assez proche pour attaquer sans se déplace). Leur analyse est axée sur deux adversaires très similaires avec des armes identiques.
Une fois que nous sortons de l’arène de la compétition avec son exigence que les choses soient « justes », quoi que cela puisse être, le ma’ai devient une distance très fluide. Dans les arts gendai et les koryu, les kata sont conçus pour enseigner la fluidité du ma’ai en faisant pratiquer l’élève contre toute une variété d’armes et de partenaires. Cela est vrai dans le judo dans le Kime No Kata où l’étudiant doit faire face à tout, des saisies aux frappes, des attaques au couteau à celles de sabre. C’est aussi vrai dans la plupart des entrainements d’Aïkido, avec une variété de désarmements au tanto et au sabre.
De nombreux systèmes de bujutsu classiques couvrent toute la gamme des combinaisons d’armes, de deux personnes non armées à une personne armée, des deux armés avec la même arme à l’entrainement armé asymétrique. Beaucoup d’arts d’armes mettent l’accent sur des scénarios d’entrainement asymétrique. En Shinto Muso Ryu, la seule fois où les deux partenaires sont armés de même est dans quelques-unes des formes okuden, et sept des kata de kenjutsu du Shinto Ryu. En Jikishinkage Ryu la combinaison est généralement sabre contre naginata. La plupart des koryu comprennent une variété d’armes dans leur cursus.
Une fois que nous arrivons à cette variété de combinaisons pour la teneur du ma’ai devient beaucoup plus intéressante et stimulante. Si je tiens un kodachi face à un adversaire avec un tachi, son issoku-no-maai est plus grand que la mien.
Si je passe au jo, le mien est maintenant plus important que le sien. Si il a un de ces naginata géant ou un yari, sa portée est plus longue que la mienne. Et puis nous avons la variabilité de certains types de kusarigama, mais je ne vais pas en parler aujourd’hui.
Le changement contant de la combinaison de portée individuelle et de la portée de son arme rend le ma’ai extrêmement difficile à maîtriser (et encore plus compliqué à décrire). En pratiquant avec une variété de partenaires et dans une variété de combinaisons d’armes vous pouvez développer un bon sens du maai. Je commence à comprendre certains aspects de celui-ci, mais j’ai un long chemin à parcourir.
Une chose qui est essentiel pour l’apprentissage du ma’ai est que les attaques soient efficaces. J’entends beaucoup parler d’attaques «sincères» ou «engagées» dans certains arts. Je vais être honnête, peu m’importe si l’attaque est sincère ou pas, et je ne m’inquiète pas vraiment de savoir si elle est engagée. Je me soucie de savoir si elle sera efficace. Une attaque engagée et sincère qui ne vous atteindra jamais est sans valeur pour l’entrainement parce que vous ne saurez jamais à quelle portée vous êtes vulnérable, et à quelle distance vous êtes efficace. La même chose est vraie pour une attaque qui rate de part et d’autre. Je ne peux pas savoir comment faire face à une attaque si elle n’est pas efficace.
L’attaque n’a pas à être rapide et difficile. Elle n’a pas à être sur-engagée. Elle doit être sur la cible. C’est la clé. Lors d’un certain nombre d’occasions, j’ai dit aux élèves « Touchez-moi ». Ils lançaient leur arme et je ne bougeais pas parce que je n’en avais pas besoin. Je pouvais voir qu’ils ne faisaient rien qui aurait pu me toucher. Je suis resté là et j’ai vu leurs armes passer dans l’air. Ensuite, ils ont demandé pourquoi je ne bougeais pas. Je ne bougeais pas parce que mon sens du ma’ai est assez fort pour que je puisse voir quand quelqu’un m’attaque efficacement et quand il agite juste de l’air. Agiter l’air n’est pas efficace ou menaçant.
Chaque attaque, peu importe la lenteur, doit être telle que cela aurait une incidence sur ma position. Si ce n’est pas le cas, comment vais-je savoir à quelle distance et quelle attaque est dangereuse et laquelle ne l’est pas ? Si vous ne savez pas la différence, vous tomberez pour chaque feinte et fausse attaque. Une attaque efficace n’est pas celle où vous vous sur-engagez et vous jetez sur votre adversaire. Pour une attaque efficace vous vous déplacez avec maintien de l’équilibre et de l’intégrité tout en frappant ou coupant de sorte que vous touchiez votre partenaire si il ne bouge pas.
Comme vous pratiquez le kata et le randori avec une variété de partenaires et de combinaisons d’armes, vous allez développer une compréhension de plus en plus sensible du ma’ai. Avec la compréhension du ma’ai vient une prise de conscience de la différence entre une menace vide, et une position qui est vulnérable aux attaques. Vous serez également en mesure de voir quand votre adversaire est ouvert à votre attaque. Sans une compréhension du ma’ai vous êtes vulnérable à toutes les menaces et tout mouvement d’intimidation parce que vous savez pas la différence entre une attaque qui vous affectera et un mouvement sans danger.
NOTE: « Ma’ai » est composé de 3 syllabes en japonais: mah-ah-ee. En anglais, il se prononce en deux syllabes « mah-eye. »
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