Cette année aura lieu la 3e édition du stage commun à Londres avec Robert Mustard (7e Dan Yoshinkan aikido) et Tobin Threadgill (Menkyo kaiden, Takamura ha Shindo Yoshin ryu).
J’ai découvert Mustard sensei lors de la 1ere édition. Comme de nombreux aikidoka de part le monde je m’étais fait une image de l’homme à travers le livre de Robert Twigger, « Senshusei » (titre plus évocateur en anglais : « Angry white pyjamas »). Différent de l’image du livre, j’y rencontrais un budoka d’exception, sachant faire rimer techniques et humour. Aussi pour en parler mieux que moi j’ai décidé de vous traduire un article de Neil Saunders, l’organisateur de ce stage.

Echange technique lors du stage à Londres de 2012. A gauche : Neil Saunders. Au centre debout : Mustard sensei
Mais tout d’abord laisser moi vous dire deux mots à propos de Neil. Neil est un grand gaillard, aux épaules bien baties, dont le crane quasi rasé renforce l’impression globale. Il est 4ième Dan de Tomiki Aikido par la fédération anglaise. Il rencontra Robert Mustard du Yoshinkan Aikido et s’entraîna de nombreuses fois dans son dojo à Vancouver. En 2010, il obtint le 4ième Dan en Yoshinkan Aikido, faisant de lui un des rares pratiquants gradés dans ces deux styles d’Aikido.
Robert Mustard : Le salaud des pyjamas blancs énervés
par Neil Saunders, traduction du texte original Robert Mustard: The Bastard from Angry White Pyjamas (27/09/2012), avec la permission de Neil Saunders.
Sensei Robert Mustard est devenu largement connu de par sa description dans le livre de Robert Twigger « Senshusei », publié au milieu des années 1990. La plupart des gens pensent probablement qu’il est comme le livre le dépeint.
Bien que je l’ai vu à l’ Aiki Expo quelques années plus tôt, je l’ai rencontré en avril 2006, quand il s’est rendu à Londres pour son premier stage au Royaume-Uni au Meidokan dojo de sensei David Rubens. Le mercredi soir avant ce weekend de stage, je suis arrivé tôt au dojo, et m’échauffais avec un membre du Meidokan et sensei Mustard est entré. Il s’est présenté et j’ai tout de suite pensé : « Quel gars sympa, rien à voir avec ce qu’en révélait le livre ». Il s’est présenté personnellement à chaque personne sur le tapis avant la classe, et il se rappela le nom de chacun tout au long de la soirée, même s’il y avait environ 30 personnes entassées dans le dojo cette nuit.
J’ai eu la chance d’être beaucoup utilisé comme uke, et son aïkido m’a époustoufflé. Il me demandait de frapper ou de le saisir, puis « BANG », j’étais au sol. J’ai dû avoir l’air d’un idiot ce soir dans le train sur le chemin du retour, un grand sourire sur mon visage, mais dans le même temps, un regard d’égarement complet. Lors de cette brève séance d’une heure et demie, il a complètement détruit ce qu’était ma conception de la puissance corporelle, sans parler de l’aïkido. Je savais dès cette session que je devais changer mon aïkido. Je voulais ce qu’il avait.
Ce week-end de stage n’était pas moins spectaculaire. Il y avait au moins 100 personnes sur le tapis, et sensei Mustard faisait rire les gens, sourire, se gratter la tête, et s’entrainer durement. Parmi les souvenirs de ce week-end que je retiens, il y a quand je lui ai posé une question sur nikajyo, juste à la fin d’une session. Il a écouté ma question, puis m’a demandé de le saisir. Il a ensuite effectué le plus étonnant nikajyo d’une seule main sur mon avant-bras, et, d’une façon ou d’une autre, sans apparemment changer son emprise ou sa posture, me projeta avec kotegaeshi. Je me souviens marcher et m’asseoir dans les gradins, un de mes étudiants me demandant si j’étais «OK» alors que j’étais assis là en secouant la tête tout en regardant mon poignet. J’ai dit: « Oui, il a juste fait nikajyo puis m’a projeté avec kotegaeshi, mais il n’a jamais touché mon poignet. Comment a-t-il fait cela? »
J’ai pris beaucoup d’ukemi pour lui depuis cette première rencontre. Son attention et sa concentration sont étonnantes. J’ai l’impression que tout moment pourrait être mon dernier, mais il a un tel contrôle total de lui-même et de son uke que personne n’est jamais blessé. Sa technique est comme une vague dans l’océan, et je ne parle pas des petites (ndt: vagues) idiotes que vous obtenez ici au Royaume-Uni; c’est plus comme celles que vous voyez à Hawaii ou en Australie. Une fois que vous êtes pris dans la vague (la technique), vous êtes impuissant parce que vous ne pouvez pas échapper à l’énergie de celle-ci, alors que la vague commence à s’arrêter (la projection ou la clef), elle vous écrase par dessus. Paradoxalement, cependant, cela ne fait pas mal; même si vous ne sentez pas vraiment quoi que ce soit, vous n’avez pas de choix en la matière. Une chose est certaine – chaque fois que vous prenez ukemi pour lui, vous voulez le sentir encore et encore.
Il est regrettable que sensei Mustard soit un grand gars, parce que les gens pensent naturellement qu’il utilise sa taille pour projeter ou immobiliser. Ils ne pourraient pas être plus éloignés de la vérité. S’il était moitié de cette taille, les gens ne croiraient pas les choses qu’il peut faire. Je me rappelle assis dans son salon, je regardais une vidéo de kancho Shioda. Je lui ai demandé s’il pouvait faire une certaine technique, et sa réponse a été : « Je ne sais pas. Je n’ai jamais essayé. Essayons un coup. » Je lui ai saisi la ceinture, et j’étais sur le sol en un instant, avec exactement la même technique que nous venions de regarder. Je me sentais impuissant – Je n’utilise pas cette expression comme un adjectif pour décrire quelqu’un de beaucoup plus fort que moi; plutôt, il a retiré ma capacité à être en mesure de tirer, pousser ou même de lacher.
Sensei Mustard m’a toujours dit que nous avons notre façon de nous entrainer et notre façon de combattre. Il utilise une analogie : « si vous voulez apprendre à échapper à un jab, votre partenaire ne peut pas balancer des crochets. » En d’autres termes , si uke change son énergie (cf balancer un crochet), alors comment pouvons-nous apprendre le mécanisme corporel spécifique (éviter un jab) ? Il est très exigeant sur la façon dont on doit s’entrainer à la fois en tant comme shite («faiseur») , et uke. Chaque mouvement doit avoir un but. Il l’a comparé à la façon dont on s’entraine dans une école de Koryu japonais.
Lors d’une séance, sensei Mustard nous a dit que nous pouvions résister à toutes les étapes de la technique, un style de pratique qui est très rare quand il enseigne. Je m’entraînais avec un aïkidoka de haut rang très fort et convaincant. Nous résistions l’un à l’autre et nous n’avions pas beaucoup de succès en faisant la technique. Sensei Mustard regarda pendant un bref instant, puis m’a demandé de le saisir en me disant de résister. J’ai pensé: « C’est ma chance. Je ne bougerais pas pour lui », (bien que je avais échoué à chaque occasion où j’avais essayé). Il a exécuté la technique avec seulement son index, et j’ai heurté le sol aussi durement que quand il l’avait fait précédemment en utilisant les deux mains. Une fois de plus je me suis assis là à rire, pensant « Comment fait-il cela! ».
Une des nombreuses choses qui se démarquent pour moi pour décrire Robert Mustard et son aïkido, c’est qu’il est toujours généreux de son temps quand les gens lui posent des questions. Il est capable de communiquer la réponse au niveau que la personne va comprendre, ce qui est fantastique pour les débutants et les étudiants avancés. Certains des moments les plus enrichissants pour moi ont eu lieu autour de sa table de cuisine à parler des arts martiaux, l’instant d’après nous allions dans la salle de séjour pour mettre en pratique quelques-uns des points les plus fins dont nous avions parlé. Il est comme ça avec tout le monde; s’ils ont une question, il fera tout son possible pour les aider.
Je lui ai demandé récemment si il pense encore à l’aïkido, étant donné qu’il s’est entrainé dans les arts martiaux depuis plus de quarante ans, trente-cinq ans en aïkido. Sa réponse a été: » Oui, 25 heures par jour. »
Si vous demandez à sensei Mustard s’il était comme Twigger l’a dépeint dans les pyjamas blancs énervés (senshusei), sa réponse est affirmative, bien qu’il concède qu’il s’est adouci quelque peu au cours des 15 dernières années. Ces jours-ci, des choses sont certaines quand vous êtes sur le tapis avec lui : vous vous entrainerez très durement, vous pourrez rire jusqu’à avoir des maux d’estomac , vous passerez un moment fantastique et vous en voudrez plus.
Votre commentaire