J’ai le plaisir de vous proposer aujourd’hui, avec la permission de Mr Pranin, la traduction de l’interview de Yukiyoshi Takamura parue dans l’aikidojournal numéro 117 en 1999: interview with Yukiyoshi Takamura.
L’interview combine les réponses à des questions posées à Takamura sensei et compilées par Marco Ruiz et David Maynard dans les années 80 ainsi qu’une série d’échanges par email avec l’éditeur en chef de l’Aikidojournal, Stanley Pranin, de janvier 1999 à avril 1999.
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Après avoir subi un entraînement spécial en Shindo Yoshin ryu jujutsu pendant son enfance, Yukiyoshi Takamura a quitté le Japon pendant son adolescence et finît par s’installer à San Jose, Californie, Etats-Unis. Il a dirigé un dojo en Californie dans les années 60 et 70 en choisissant d’offrir une formation rigoureuse à un petit groupe d’étudiants dévoués. Son art, qui s’appelle maintenant Takamura-ha Shindo Yoshin-ryu, incarne la philosophie et l’esprit d’une époque antérieure du Japon adapté à un contexte occidental. Les pensées et vues de Takamura sensei sur l’essence des arts martiaux vont surprendre et stimuler les pratiquants modernes de budo.

Yukio Takamura
Pour nos lecteurs qui ne connaissent pas le système Shindo Yoshin ryu, pouvez-vous nous parler de son origine et de ses caractéristiques?
Le Shindo Yoshin ryu a été fondé par un membre du clan Tokugawa, Katsunosuke Matsuoka en 1868. Matsuoka Sensei a étudié le Yoshin-ryu, Hokushin Itto-ryu, Jikishinkage-ryu, Tenjin Shinyo-ryu jujutsu, et Hozoin-ryu. Il a basé le Shindo Yoshin ryu sur le Yoshin-ryu, mais il a aussi ajouté des concepts d’autres écoles. Il croyait que le concept du Yoshin-ryu de défense passive était incomplet et avait besoin de l’équilibre de heiho ou tactiques positives. Les caractères japonais originaux du Shindo Yoshin ryu signifiaient « le nouvel esprit du saule », mais ils ont vite été changés pour devenir « l’esprit sacré du saule ».
Le curriculum original du Shindo Yoshin ryu pourrait être plus correctement considéré comme un bujutsu que comme un jujutsu puisque de nombreuses techniques d’armes sont incluses dans le curriculum (mokuroku). Cependant, la popularité du judo et le désintérêt pour la pratique des armes ont entraîné la perte d’une grande partie de leur influence dès le début du 20e siècle dans les traditions d’arts martiaux.
Plusieurs racines de notre école ont commencé dans les premières années. Mon grand-père Shigeta Ohbata était à l’origine un étudiant de Yoshin-ryu de Hikosuke Totsuka comme Matusoka. Totsuka était évidemment tout à fait fantastique. Mon grand-père s’entrainait à son dojo avant qu’il ne rencontre Matsuoka Sensei. En son temps, on disait que Totsuka n’avait pas de rival. Un technicien absolument merveilleux. Dans sa jeunesse, il est dit que personne ne l’avait vaincu, y compris des opposants beaucoup plus grands que lui.
Malgré le grand respect de mon grand-père pour Totsuka, il a quitté le Yoshin-ryu après sa rencontre avec un étudiant de Matsuoka nommée Ishijima. Shigeta a finalement reçu un Menkyo Kaiden (licence d’enseignement) en Shindo Yoshin ryu autour de 1895. Matsuoka et Shigeta s’entrainaient tous deux au Jikishinkage-ryu sous Kenkichi Sakakibara, ils ont donc développé une amitié étroite. Mon grand-père n’avait pas l’intention de lancer sa propre école, mais il l’a effectivement fait au début du 20ème siècle. C’est devenu connu sous le nom de l’école Ohbata. Il a construit son propre dojo avec l’aide d’un ami nommé Hasegawa dans le quartier d’Asakusa à Tokyo.
Le Shindo Yoshin-ryu est bien connu dans le monde du karaté japonais parce Hidenori Otsuka le fondateur du Wado-Ryu jujutsu Kempo (karaté) a reçu un Menkyo Kaiden en Shindo Yoshin-ryu. Une erreur commune de la plupart des pratiquants de Wado-Ryu est que Hidenori Ohtsuka serait devenu le successeur du Shindo Yoshin-ryu. Bien qu’il ait reçu un Menkyo Kaiden en Shindo Yoshin ryu, plusieurs autres ont réussi tout aussi bien, résultant dans la création de plusieurs écoles. La lignée originale (Matsuoka) a réussi à être transmise de Motoyoshi Saruse à Tatsuo Matsuoka et existe encore aujourd’hui au Japon.
Sensei, quand avez-vous commencé votre formation dans les arts martiaux?
Je n’en suis pas sûr. Mes souvenirs d’être présent dans le dojo remontent très loin. Tant mon père que mon grand-père m’ont fait m’entraîner alors que j’étais un jeune garçon. J’étais déjà habitué à être dans le dojo de mon grand père donc j’ai probablement commencé l’entrainement réel autour de cinq ou six ans.
Votre père et votre grand-père vous enseignaient-ils tous deux ?
Oui. Comme je l’ai mentionné, mon grand-père a reçu une licence d’enseignement de Katsunosuke Matsuoka. Il a, à son tour, enseigné à mon père. Mon père et mon grand-père m’ont enseigné tous les deux. Matsuhiro Namishiro Sensei a poursuivi ma formation après la mort de mon père et grand-père.
Pouvez-vous nous en dire plus sur Namishiro Sensei?
Il fut l’un des étudiants les plus talentueux de mon grand-père et le plus proche ami de mon père. Il s’est aussi entraîné de manière approfondie en Shinkage-ryu kenjutsu et Shindo Muso-ryu jojutsu. Il a eu la plus grande influence sur ma technique de Kenjutsu. Bien que mon grand-père se soit entrainé en Jikishinkage-ryu sous Kenkichi Sakakibara et ai enseigné cet art à mon père, la majorité de mon enseignement était en Shindo Yoshin-ryu. J’ai appris très peu de technique de sabre de mon père et mon grand-père. Le passage de sa licence d’enseignement en Shindo Yoshin ryu était évidemment extrêmement important pour mon grand-père. Il avait l’intention de la transmettre à mon père à son retour de la victoire dans la guerre contre l’Amérique. Toutefois, dans le courant de 1944, la réalité de ce qui se passait dans la guerre du Pacifique a dû l’amener à réaliser que mon père pourrait ne jamais rentrer à la maison.
Quand je n’avais que seize ans mon grand-père m’a formellement remis un Menkyo Kaiden au dojo. Cela a été entièrement symbolique puisque je n’étais en aucune manière suffisamment compétent pour mériter une telle licence. Il donna instruction en privé à Matsuhiro Namishiro Sensei de compléter ma formation, si lui et mon père ne survivaient pas à la guerre. Confirmant sa plus grande crainte, mon père et lui sont morts en 1945.
Votre grand-père ne craignait-il pas que Namishiro Sensei puisse aussi mourir à la guerre?
Non. Avant la guerre, Namishiro Sensei a été sévèrement blessé dans un accident lors de la pratique du kenjutsu. Il était complètement aveugle de son oeil gauche. Cette blessure l’a laissé inapte pour le service militaire, mais ne semblait pas affecter son habileté martiale. A son rétablissement, il était aussi bon que jamais. Nous avons souvent essayé de tirer profit de sa vision compromise, mais c’était comme s’il pouvait mieux voir sans son oeil. Il portait parfois une sorte de cache-œil. L’orbite de l’oeil tranché et ouvert faisait un rappel horrible à la gravité impliquée par l’entraînement au kenjutsu. Parfois, il retirerait le patch oculaire et insérerait un oeil en bois avec une tranche peinte pour effrayer ses adversaires lors d’un match. Je me rappelle d’une fois où un jeune homme à l’air dur est entré dans le dojo en uniforme militaire disant qu’il pourrait croiser le bokken avec quiconque. Namishiro Sensei a renversé son cache-oeil et s’écria qu’il avait été aussi audacieux, mais avait vécu pour devenir plus humble. Le jeune homme sortit furtivement par la porte alors que Sensei expliquait combien il était difficile de trouver une femme avec le look qu’il avait. Namishiro Sensei rugit de rire après que le gars soit parti. Cela valait le détour !
Plus tôt vous avez discuté des origines de l’école Takamura. Il semble aussi y avoir une influence du Shinkage-ryu kenjutsu.
Oui, l’influence de Namishiro Sensei a laissé un impact important sur l’école Takamura. Il était un grand professeur et son expertise en Shinkage-ryu a vraiment influencé mon entraînement. Sa compréhension des concepts martiaux et les secrets de Shinkage-ryu sont évidents au sein de notre école, surtout aux niveaux supérieurs d’enseignement. Bien que mon père et mon grand-père ont tous deux étudié le Jikishinkage-ryu, c’est le Shinkage-ryu issu de Sensei Namishiro qui a le plus influencé mon kenjutsu. Il était donc naturel que beaucoup de ces concepts soient incorporés dans l’école Takamura.
Votre père et votre grand-père ont-ils péri tous les deux pendant la guerre?
Oui. Mon père, Hideyoshi Ohbata, était un officier militaire de haut rang et serait mort à Saipan vers la fin de la guerre. Mon grand-père disparut dans l’une des tempêtes de feu qui ont fait rage à Tokyo lors des campagnes de bombardements américains. Nous croyons qu’il était dans le quartier d’Asakusa chez un ami quand il a été tué. Cette région de Tokyo a été complètement détruite par les bombardements. Un matin, il était censé assister à une réunion incluant la presse et des politiciens locaux. Il ne s’est pas présenté ce qui était très inhabituel. Immédiatement le bouche à oreille a débuté et beaucoup de ses amis, y compris ses étudiants ont commencé à le chercher. Beaucoup de ses amis avaient des liens avec la police et sa recherche a été intensifiée, mais il n’a jamais été trouvé. Ce fut une grande perte.
Vous avez mentionné que le dojo de votre grand-père était situé à Asakusa …
Oui, Asakusa est dans la partie nord de Tokyo. Je pense que le dojo était situé entre Sensoji et le Sanctuaire Otori. Un homme riche nommé Hasegawa a aidé mon grand-père à le construire. Il était impliqué dans le secteur de la construction et a également été un élève. Au moment où j’étais en formation, il n’était plus là, mais mon grand-père en parlait souvent. Le dojo a été détruit pendant les bombardements. Je ne l’ai jamais vu après, mais Namishiro Sensei oui. Les larmes coulaient sur son visage quand il est revenu. Il a dit que rien ne pouvait être sauvé, pas même les épées de mon grand-père.
Le dojo a-t-il jamais été reconstruit ?
Non. Il y a plusieurs années nous avons essayé de trouver l’emplacement du dojo d’origine, mais tout est si différent maintenant. Il était impossible de dire où était l’emplacement exact. Même les rues sont totalement différentes maintenant.Quelques repères m’ont indiqué que j’étais très proche, mais encore une fois tout avait tellement changé. La dernière fois que j’ai vu le dojo de mon grand-père je n’avais que 15 ou 16 ans. Vous voyez, nous avons quitté le Japon peu après que le dojo a été détruit et finalement nous nous sommes installés en Suède. Je suis retourné au Japon à de nombreuses reprises au fil des années, mais n’ai jamais vraiment essayé de trouver l’emplacement exact jusqu’à récemment. Ma mère est revenue à son domicile d’origine à Otsu donc j’ai rarement eu l’occasion de le chercher.
Vous avez indiqué que votre grand-père s’entraînait directement sous Kenkichi Sakakibara, l’un des plus éminents artistes martiaux de fin du 19ème siècle. Pouvez-vous nous dire ce que vous vous rappelez avoir entendu à propos de l’entraînement de votre grand-père en Jikishinkage-ryu et ce que vous connaissez-vous même de ce célèbre professeur? Takeda Sokaku était également censé s’être entraîné sous Sakakibara sensei. Je me demande si ce n’est pas la connexion entre votre grand-père et Sokaku.
Malheureusement, je sais très peu de choses sur Sakakibara sensei, sauf que mon grand-père l’a rencontré lors d’une démonstration et avait envers lui une vénération presque divine. Une chose dont je me souviens et dont j’ai été informé par Namishiro Sensei était la capacité de mon grand-père en « heiho positifs de ippatsu » (victoire instantanée avec un coup).Il a attribué cette tactique à Sakakibara Sensei et dit qu’elle a influencé sa décision de quitter le Yoshin-ryu et de poursuivre son entraînement en Shindo Yoshin-ryu.
En relisant mes notes j’ai trouvé que Sakakibara, selon Namishiro Sensei, était assez agressif dans son kenjutsu. Ceci a influencé Namishiro Sensei dans son application des techniques et sa façon de m’instruire. Il a expressément parlé de la façon dont Shigeta admirait la stratégie de Sakakibara de feinter et d’employer des contre-temps suivis d’une attaque très puissante. L’utilisation des mouvements de la hanche pour réussir une feinte est extrêmement important car, sans elle, la feinte va échouer quand on est confronté à un adversaire expérimenté. Dans mes notes, j’ai aussi trouvé mention du concept heiho totsuzen-totsuken. Il s’agit d’une attaque à partir du subconscient, si vite que vous vous êtes pas au courant que vous l’avez faite. Cela n’existe que chez les escrimeurs les plus dangereux et de qualité supérieure. Il s’agit d’une technique de véritables maîtres.
Je ne sais pas grand chose sur Sokaku Takeda sensei. Je crois qu’il était un étudiant à demeure de Sakakibara Sensei, mais je ne pense pas que mon grand-père et Takeda sensei se soient entraînés au dojo au même moment. Si oui, mon grand-père ne l’a jamais mentionné. Ma mémoire n’est pas si bonne sur ces choses.
C’est intéressant, il y a 20 ans, personne n’avait jamais entendu parler de Sokaku Takeda. Maintenant, on me pose des questions sur lui tout le temps. Votre magazine a fait de très bons articles sur lui. Beaucoup de gens tentent de minimiser l’influence perçue de Takeda Sensei dans l’aikido. C’est vraiment dommage car c’est un grand manque de respect à Ueshiba ainsi qu’à Takeda. N’aurait-il pas été tout aussi irrespectueux pour mes étudiants de minimiser l’influence de mon grand père sur ce que j’enseigne aujourd’hui ? Ce que j’enseigne et la façon dont je l’enseigne est assez différent de ce qu’il m’a enseigné, mais son influence sera toujours là et mérite une reconnaissance appropriée.
Beaucoup de gens tentent également de faire d’Ueshiba sensei un dieu. Quelle bêtise ! Ueshiba Sensei était juste un homme. Peut-être que toutes les discussions à propos de Takeda Sensei amèneront le monde d’aïkido à redescendre sur terre. Beaucoup, cependant, résistent parce que c’est toujours plus facile de convaincre les gens à suivre un dieu.
Je comprends que votre grand-père connaissait aussi Kotaro Yoshida. Il fut l’un des anciens élèves de Sokaku et a reçu un kyoju dairi ou la certification d’instructeur. De quelle manière étaient-ils connectés?
Mon grand-père a travaillé pour un journal de Tokyo en tant que journaliste et a voyagé souvent. Il avait beaucoup d’amis dans le gouvernement et la politique. Il a rencontré Kotaro Yoshida tout en voyageant. Yoshida Sensei et mon grand-père ont découvert qu’ils avaient beaucoup en commun aussi il a introduit mon grand-père à Takeda sensei. Je sais que mon père a rencontré Takeda sensei plusieurs fois mais je ne suis pas sûr de quand ni où. Il est possible que c’était à Hokkaido parce que mon grand-père Shigeta voyageait souvent. J’ai eu l’impression que mon grand-père a été plus impressionné par Yoshida sensei que par Takeda sensei. Je ne sais pas pourquoi j’ai cette impression. C’est peut être simplement parce qu’il parlait plus de Yoshida Sensei. Je sais que mon grand-père était très impressionné par la technique de Yoshida sensei et le considérait comme un artiste martial d’une capacité phénoménale. Yoshida sensei a contribué à présenter Morihei Ueshiba à Sokaku Takeda. Il est également bien connu pour avoir enseigné à Mas Oyama, le fondateur du karaté Kyokushinkai, et Richard Kim. Mon grand-père a adopté plusieurs concepts et techniques de Yoshida Sensei et les a enseignés dans le dojo. Nous pratiquons toujours ces formes dans le cadre de l’école de Takamura.
Je sais que Yoshida sensei et mon grand-père voyageaient encore parfois ensemble après 1930. Yoshida sensei a visité la maison de mon père avec mon grand-père à plusieurs reprises quand j’étais un petit garçon. Je me souviens d’avoir peur de Yoshida Sensei. Il s’habillait drôlement et me jouait parfois des tours. Une fois, je me suis même caché sous le plancher quand j’ai su que Yoshida sensei allait venir! C’est très drôle maintenant quand je regarde en arrière.
J’ai découvert plus tard que Yoshida sensei avait un fils nommé Kenji. Cela a été une nouvelle intéressante car mon grand-père n’a jamais mentionné qu’il avait une famille ou des enfants. Le fils a voyagé aux Etats-Unis et a finalement transmis l’art de la famille à un étudiant aux Etats-Unis. Son nom est Don Angier et j’ai été témoin de plusieurs de ses démonstrations à Los Angeles il y a plusieurs années. Si je me souviens bien, il était un officier de police à cette époque. Il est un excellent technicien.
J’ai une vieille photo de mon grand-père avec Yoshida sensei, Takeda sensei, Hiratsuka sensei et Inazu sensei. Je ne sais pas quand et où elle a été prise. Un point intéressant est qu’il y a plusieurs années Don Angier Sensei m’a envoyé une photo de Kotaro Yoshida sensei par le biais d’un étudiant commun, Toby Threadgill. Dans le groupe avec Yoshida Sensei il y a mon grand-père! Ce fut une grosse surprise de recevoir une photo de mon grand-père de la part d’Angier sensei. Elle a dû être prise en 1935 ou plus tard car mon grand-père est de l’âge dont je me souviens de lui.
Yoshida Sensei était censé avoir été un membre de la « Société du Dragon Noir ».
Je crois que Yoshida Sensei était un membre du Kokuryukai et du Genyosha, il me semble que mon grand-père Shigeta aussi. J’ai très peu d’informations sur ces groupes. Je sais qu’ils approchaient volontairement de nombreux partisans du bushido pour élever leur nombre et leur influence. La version militaire du bushido a été considérée comme une distorsion de l’éthique des samouraïs par certains de la classe supérieure qui n’appréciaient pas l’armée roturière. Les vrais samouraïs n’étaient pas des roturiers donc l’armée régulière était vouée à l’échec.
Cette tactique a été utilisée efficacement pour encourager les personnes héritant des samouraïs à rejoindre ces groupes et l’armée. Ce fut une grave erreur de jugement et la part qu’ont joué ces groupes dans la destruction du Japon ne doit pas être sous-estimée. Mais je crois que de nombreux membres de ces organisations étaient de simples patriotes pas au courant des buts impériaux réels du Japon. Certaines familles sont encore injustement critiquées à cause de l’adhésion de leurs ancêtres dans ces organisations.
S’il vous plaît décrivez nous l’état actuel de l’ école Shindo Yoshin ryu au Japon.
Cela fait longtemps que j’ai eu des contacts avec la branche prinripale de Shindo Yoshin ryu au Japon. J’ai vu le directeur de l’école Tatsuo Matsuoka autour de 1970, je crois, lorsque j’ai pris contact par le biais de Taro Kozumi, un étudiant de Hidenori Ohtsuka et Kinosuke Abe. Je crois que Matsuoka Sensei est mort il y a dix ans (ndt : l’interview date de 1999, Toby Threadgill a visité la famille Matsuoka en 2007). Cela laisse l’avenir de la ligne principale de l’école incertain. J’ai aussi entendu dire que le siège du dojo a été victime d’un incendie et je ne sais pas si il a été reconstruit. Je pense que Fujiwara Sensei a en charge l’avenir de la branche principale de l’école, mais je n’ai aucune idée de ses intentions. Je ne suis même pas sûr du nombre de dojos de la branche principale existant aujourd’hui au Japon. La dernière fois que j’en ai entendu parler, je crois qu’il y avait quatre ou cinq dojo. Takagi Iso, jusqu’à sa récente retraite, a maintenu un dojo de l’école Takamura à Osaka. Les étudiants avancés de Hashimoto Sensei envisagent d’enseigner dans un nouveau dojo, mais la situation n’est pas réglée.
Le siège du Wado-ryu jujutsu kempo enseigne toujours le Shindo Yoshin ryu à Tokyo. J’ai compris que le Shindo Yoshin ryu ne génère pas beaucoup d’intérêt au sein de la communauté Wado-ryu maintenant. C’est une honte car Hidenori Otsuka le fondateur du Wado-Ryu a obtenu un Menkyo Kaiden en Shindo Yoshin-ryu. Il a reçu sa licence de Nakayama Tatsusaburo Sensei vers 1921. Mon grand-père connaissait peu Otsuka mais il pensait du bien de lui. Il était un homme d’une réputation exceptionnelle. J’espère que le Wado-ryu ne perdra pas ses racines jujutsu, qui en fait l’un des très rares styles de karaté à avoir un patrimoine bujutsu. Je sais que certains dojos de Wado-Ryu ont encore une influence jujutsu comme autrefois. Kozumi Sensei est venu à moi en 1968 à partir de Wado-Ryu jujutsu avec compétence excellente. Plusieurs années plus tard, un de nos instructeurs seniors actuels, Toby Threadgill Sensei (ndt : aujourd’hui menkyo kaiden et responsable de l’école), est venu à moi d’un sensei de Wado-Ryu nommé Chau Gerry avec une connaissance tout aussi impressionnante en Shindo Yoshin ryu. Il est regrettable que cela soit maintenant devenu l’exception. Le karaté sportif semble conduire l’avenir du Wado-ryu loin de ses racines jujutsu. Entendre que cette impression est erronée serait une bonne nouvelle.
Vous avez mentionné quelque chose qui, je pense, est très important quand vous avez dit que l’école Shindo Yoshin ryu d’origine est plutôt un sogo bujutsu (système complet d’arts martiaux) qu’un jujutsu, car elle inclut la formation aux armes dans son cursus.
Pouvez-vous nous parler davantage des raisons historiques de la suppression d’une grande partie de ces anciens systèmes martiaux et des avantages et inconvénients de la pratique des arts martiaux modernes spécialisés?
L’idée moderne que les anciens jujutsu n’incluaient pas les armes comme au judo n’est pas correcte. La vérité est qu’il y a de nombreux arts de jujutsu qui sont fondamentalement différents. Les très vieux jujutsu portent de nombreux noms tels que yawara, kumiuchi, kogosoku, hakuda et koppo, etc. Généralement, ce sont de véritables koryu (écoles classiques martiales) et ont été conçus pour le combat sur les champs de bataille contre des soldats en armure. La plupart de ces systèmes ne sont pas très compliqués car ils étaient rapidement enseignés aux ashigaru (fantassins) et incluent des armes plus simples. Certains des systèmes les plus complexes incluent des techniques avancées et des armes telles que le kusarigama (chaîne et la faucille), le tanto (couteau), ou même le kodachi (épée courte). Ils ont été inventés afin que des samouraïs légèrement armés et protégés puissent engager avec succès des opposants supérieurement armés et protégés.
Le jujutsu dans la période Edo a changé en raison de l’ère prolongée de paix. Ces arts se sont adaptés pour répondre aux nouvelles réalités d’un environnement sans armure. Les anciens systèmes ont changé alors que plusieurs nouveaux systèmes ont été fondés. Ces écoles incluent toujours l’entraînement aux armes puisque les principes fondamentaux et les techniques d’armes étaient encore au cœur des systèmes martiaux. Certaines armes cependant ont commencé à tomber en désuétude à la faveur d’autres dû à cette nouvelle réalité. La fin de la guerre en armure a vu une diminution de l’utilisation du nagamaki (hallebarde à longue lame), de la yari (lance) et d’autres armes.
Des armes telles que le jutte (matraque), tessen (éventail en fer), sode garami (arme d’hast pour attraper l’armure ou les vêtements), tanto et jo ont été plus favorisées. Les changements dans les techniques d’armes, qui étaient au cœur d’un art, ont également affecté l’application des techniques à mains nues. Finalement, les techniques à mains nues ont développé plus de leur propre saveur en raison de la popularité des compétitions à mains nues. Cela a marqué le début des jujutsu ressemblant au judo et la fin de beaucoup de vraies traditions classiques. Au tournant du siècle, de nombreuses écoles ont commencé à ignorer une grande partie du curriculum d’armes en faveur du combat à mains nues. La popularité du judo, fondé par le professeur Jigoro Kano, a même forcé des changements encore plus grands pour la plupart des vieilles écoles de jujutsu. C’est un peu un mystère vu que la véritable innovation du judo n’était pas tant dans le domaine de la la technique que dans la méthodologie d’enseignement. Le judo a adopté une approche plus scientifique de l’enseignement et expliqué la technique physique. Les vieilles écoles de jujutsu utilisait encore des explications mystiques employant le ki et de tels concepts. Les explications scientifiques ont attiré la majorité du public et étaient perçues comme plus modernes et supérieures que la mystique martiale dépassée. Il en a résulté que le public a adhéré au judo plus qu’au jujutsu et autres écoles japonaises classiques. Kano a également réussi à faire du judo quelque chose plus destiné aux classes supérieures que le jujutsu. Cela a été très astucieux puisque la vérité est exactement le contraire. Le judo est plus un art pour le grand public alors que le jujutsu est un art du samouraï.
Donc, ce qui est communément appelé jujutsu n’est pas aujourd’hui, dans la plupart des cas, le jujutsu de l’ancien temps. Ce qui est couramment pratiqué aujourd’hui comme jujutsu est un très petit nombre de pièces de systèmes martiaux complets appelés bujutsu ou bugei. Il y a plusieurs raisons pour n’apprendre qu’une partie d’un système martial. La plus évidente est la simple vérité du changement de la réalité de l’environnement. Les changements dans la technologie et les tactiques militaires ont conduit inévitablement les armes à tomber en désuétude. Si un système d’armes survit, elle le fait pour une raison différente de celle de sa valeur initiale. C’est pourquoi le iaido est plus populaire que le iaijutsu et le kendo est plus populaire que le kenjutsu. Ni la dimension spirituelle, ni sportive de l’épée n’existaient quand elle a été inventé. L’épée a été développée comme un outil de guerre. D’autres aspects de l’escrime sont venus plus tard. Certains de ces aspects ont été adoptés par la classe des guerriers parce qu’ils les ont trouvés bénéfiques, mais ces choses étaient secondaires. L’essentiel pour le guerrier est la victoire sur l’ennemi. Cela ne doit pas être oublié. Cette vérité est ce qui rend un art martial « martial ».
Parfois les anciens arts martiaux ou les armes ont conservés leur valeur au cours de longues périodes de temps et de grands changements. Le tanto a été utilisé par les samouraïs comme une arme alternative, mais le couteau est toujours sur la ceinture des guerriers modernes comme un compagnon des armes à feu modernes. C’est incroyable quand on y pense ! Le couteau peut être l’une des plus grandes armes de tous les temps en raison de son caractère polyvalent. L’histoire semble confirmer cette hypothèse.
Une autre raison pour apprendre seulement une partie d’un système de Bujutsu est tout simplement le temps. Nous ne sommes pas des guerriers 24 heures par jour maintenant. Le monde moderne ne nous permet pas tant de temps alors nous pratiquons ce qui est réaliste d’apprendre. Apprendre un bujutsu complètement serait un emploi à temps plein. Très peu de gens ont le temps ou la volonté de faire des sacrifices de cette ampleur pour le bujutsu. Il est préférable d’apprendre un aspect du bujutsu bien plutôt que de tous les apprendre mal. Aussi, nous sommes libres d’apprendre ce qui nous parle le plus. Certains apprennent l’épée, certains apprennent le jujutsu, et certains apprennent le naginata (hallebarde). C’est bien car cela donne la liberté de choix et d’opportunité aux futures générations.
Certaines personnes pensent qu’apprendre le jujutsu sans étudier un bujutsu complèt n’est pas bon. Je considère que c’est la vue d’un dilettant. Il est préférable d’apprendre quelque chose bien que de l’apprendre mal ou de l’apprendre pour impressionner les autres, parce que c’est exclusive ou difficile. Apprendre à impressionner quelqu’un d’autre et non pour vous ou pour les enseignants vous ayant précédé n’est pas une bonne motivation. Les meilleurs artistes martiaux sont motivés à s’entraîner par amour pour les arts, pour leurs enseignants d’aujourd’hui et du passé, plutôt que pour eux-mêmes.
Enfin, il y a ceux d’entre nous qui se sont engagés à accepter les sacrifices et à apprendre et enseigner un bujutsu complet ou bugei. Nous ne sommes pas meilleurs que nos amis qui choisissent une partie d’un bujutsu ou qui pratiquent les arts martiaux modernes. Nous pratiquons un système complet, car nous croyons et espérons que il y a un bonus digne de ce sacrifice. Il existe bien. C’est la compréhension de la technique et de l’historique au coeur d’une école martiale. Un vrai bujutsu ou tradition de bugei est un puzzle cohérent. Chaque aspect distinct se combine pour renforcer l’ensemble et se complèter mutuellement. La réalisation que les techniques individuelles ne sont pas l’art mais plutôt une réflexion temporaire d’un ensemble plus profond de concepts et de stratégies martiales est libératrice. Cela nous permet d’embrasser et de comprendre les okuden (secrets de l’art). La maîtrise de ces principes permet à une école martiale de croître de génération en génération, des applications anciennes au nouvelles. A travers les okuden nous saisissons le génie intellectuel qui apparaît après des années de formation dans un vrai bujutsu. C’est comme une vieille signature de nombreux maîtres, chacun visible au dessus de l’autre, chacun étant une part d’un grand tout. C’est ce qui fait d’un ryu (école ou style) un ryu.
Des systèmes bricolés qui incluent différents arts comme le karaté mélangé avec l’aïkido manquent presque toujours de la signature du génie. Il serait préférable de conserver les systèmes séparés, car les combiner efface la plupart des signatures du savoir de tous les enseignants précédents.
Ce sont des traditions séparées dont les concepts et les vérités ne sont pas vraiment compatibles. Ils ont été conçus dans des environnements différents pour différentes raisons. Laissons les réussir dans ce qu’ils sont plutôt que de ne pas être ce qu’ils n’ont jamais été destinées à être.
Après la Seconde Guerre mondiale, je crois que vous avez quitté le Japon et vous êtes retrouvé en Suède. Pouvez-vous nous dire brièvement ce qui s’est passé ?
Ma famille avait un ami qui était un diplomate et avait une dette envers mon grand-père Shigeta Ohbata. Cet ami a aidé ma mère et moi à quitter le Japon. Mon grand-père avait disparu dans un incendie à Asakusa, mais avait organisé notre départ plus tôt quand il a pensé que le Japon serait envahi par les armées américaines et alliées. Mon grand-père craignait en particulier les représailles russes en raison de la victoire du Japon dans la guerre russo-japonaise. Nous sommes d’abord allés en Argentine puis en Suède en utilisant le nom de jeune fille de ma mère. Voilà comment nous sommes arrivés là-bas.
Comment votre départ du Japon a affecté votre formation en arts martiaux?
Pas trop sérieusement. Les deux premières années en Suède ont été très difficiles. Heureusement, Matsuhiro Namishiro Sensei est arrivé en Suède deux ans environ après notre arrivée. Il avait fait un serment solennel à mon grand-père promettant de compléter ma formation. Il a déménagé et a bientôt poursuivi ma formation. Cela a duré jusque vers 1958. Il a décidé de revenir au Japon pendant l’une de nos nombreuses visites à la maison. À ce stade, il m’a dit que ma formation était complète et que j’avais besoin de commencer à enseigner. Je crois qu’il aimait beaucoup la Suède sinon il serait reparti plus tôt. Quand ma mère a décidé de revenir au Japon en 1949, j’ai pensé qu’il m’encouragerait à revenir avec elle. Au lieu de cela il m’a encouragé à rester en Suède. J’ai été très surpris. Plus tard, il m’a expliqué que j’avais besoin d’apprendre à survivre seul en dehors du Japon. Des années plus tard, j’ai fini par déménager pour l’Amérique.
Qu’est-ce qui vous a amené à déménager en Amérique?
Lors d’un voyage d’affaires autour de 1958, j’ai visité San Francisco et a rencontré ma future femme Mishiko. Elle m’a convaincu que les conditions météorologiques en Californie étaient beaucoup plus agréables qu’en Suède. J’étais d’accord, alors je lui ai demandé de se marier !
Voulez-vous nous en dire un peu plus sur votre carrière d’enseignant aux Etats-Unis?
J’ai commencé à enseigner publiquement à San Jose, en Californie, en 1966 je pense. A l’époque le karaté était très populaire et le judo était également très présent en raison de son inclusion dans les Jeux Olympiques. J’ai appelé ce que j’ai appris le « Ohbata-ryu judo jujutsu ». Les classes ont été très faibles pendant une longue période et principalement composées de judoka et de lutteurs de collège. Avec le temps, Taro Kozumi Sensei est devenu mon assistant. Il était un élève du Wado-ryu jujutsu kempo sous Hidenori Ohtsuka comme je l’ai mentionné plus tôt. Bien que très sévère dans ses méthodes d’enseignement, il était bien respecté par les élèves. Il a amené de nombreux étudiants de karaté. Autour de 1968, j’ai décidé d’adapter le programme pour prendre en compte des applications de self-défense plus réalistes. Ce processus a pris cinq ans de travail acharné, mais cela a payé. En 1972, j’ai décidé de changer officiellement le nom de l’art pour « Takamura-ha Shindo Yoshin-ryu ». Nous avons changé le kanji shin dans «Shindo» pour le sens de « nouveau » au lieu de la signification de « sacré ». Cela a été fait pour reconnaître les changements au curriculum traditionnel que nous avons adoptés pendant cette période.
Comment en êtes vous venu à réorganiser le cursus traditionnel du Shindo Yoshin-ryu?
C’est une question très complexe. Laissez-moi voir si je peux l’expliquer clairement. Tout art martial est en réalité un ensemble de concepts et d’idées. Les techniques physiques sont importantes mais ne sont pas l’élément décisif d’un style. J’ai entendu certaines personnes dire que ce n’est pas vrai, qu’ils ont des techniques secrètes. Et alors ? Je parie qu’un autre style a des techniques qui sont semblables à leurs « techniques secrètes ». Je suppose que ce qu’ils ont en réalité est plus correctement décrit comme des concepts secrets. Toutes les traditions de jujutsu ont des clefs articulaires similaires parce que les articulations de tous les êtres humains fonctionnent de la même manière. Il n’y a vraiment pas de nouvelles clefs articulaires. C’est la façon dont ils exécutent les clefs qui différencient les styles. Les concepts utilisés dans l’application des clefs sont ce qui est important. Ces aspects sont ce qui font qu’une tradition est différente de l’autre. Ils sont souvent okuden.
Quand je suis arrivé en Amérique, j’ai découvert que de nombreuses techniques traditionnelles n’étaient tout simplement pas applicables à la réalité rencontrée par mes nouveaux élèves. Les techniques de Jujutsu dans leur forme originale n’étaient pas destinées à remédier à ces situations modernes. Lorsque j’ai commencé à enseigner, les étudiants ont commencé à me demander comment je pourrais faire face à un boxeur, ou avec un karatéka et ainsi de suite. Au début, j’ai été surpris parce que je n’étais pas sûr d’avoir les réponses. J’ai dû examiner attentivement cela. J’ai réalisé que les réponses étaient juste en face de moi. J’étais concentré sur les techniques de jujutsu alors que c’était les concepts de jujutsu qui étaient la solution. Les techniques n’avait pas d’importance parce qu’elles étaient guidées par les concepts. De nouvelles techniques pouvaient être conçues pour répondre aux nouvelles réalités tout en incorporant les concepts, honorés au fil du temps, qui forment le coeur de l’art. Ce ne serait pas abandonner l’art. Cela permettrait à l’art de maintenir son efficacité et sa pertinence pour une nouvelle génération et époque.
Qu’est-ce que les enseignants qui embrassent une approche plus classique des arts martiaux pensent à ce sujet? Je suppose qu’ils sont critiques par rapport à votre position.
Ils sont libres d’avoir leurs opinions. Je suis libre d’avoir la mienne. Je suis pas vraiment intéressé par ce que les enseignants pensent des autres parce que mon autorité d’enseigner ne vient pas d’eux. Mon autorité pour enseigner et prendre les décisions que j’ai prises vient de mes professeurs. Je suis plus concerné par le bien-être de mes étudiants et d’assumer les responsabilités qui m’ont été confiées. Je suis à l’aise avec la réalité que mes élèves peuvent réellement utiliser l’art qu’ils apprennent. La même chose ne peut pas être dite pour les étudiants de la plupart des enseignants qui adoptent une approche strictement classique.
Beaucoup de traditions martiales classiques au Japon sont maintenant juste une jolie danse. C’est si triste. Ils n’ont pas adapté leurs techniques pour faire face aux réalités modernes. Ils s’accrochent seulement aux formes désuètes et, dans ce processus, négligent souvent les notions fondamentales qui constituent une tradition particulière. Certaines personnes souhaitent préserver les arts exactement comme ils étaient dans les temps anciens. Cela est louable, mais le plus souvent c’est une sottise. À de rares exceptions, aucune école classique existante ne reflète qu’une fraction du patrimoine technique de l’art tel que pratiqué dans le passé. Il est impossible pour tout enseignant de transmettre 100% des traditions d’un art, mais de nombreuses écoles classiques croient que l’étudiant doit tout faire exactement comme les enseignants afin de préserver l’art. Sans l’ajout du propre savoir de l’enseignant, de son expérience et, surtout, ses innovations techniques, l’art n’est qu’une coquille vide de ce qu’il était autrefois en seulement quelques générations. Sans la prise en compte des réalités modernes pour challenger l’efficacité d’un art, il devient une pièce de musée dont la seule pertinence moderne est celui d’une curiosité historique. N’oubliez pas que les ryu, tels qu’ils existaient à l’époque des Royaumes Combattants ont été en constante évolution et s’adaptaient aux réalités auxquels ils étaient confrontés sur le champ de bataille. Ce n’est que lorsque cette période se termina que l’innovation ralentît. Beaucoup d’écoles classiques telles que pratiquées aujourd’hui sont, au mieux, les reflets de la manière dont cette tradition fonctionnait pendant une courte période de son existence. Ils ne sont pas un reflet technique exact de son existence tout au long de son histoire.
Le risque de la pensée classique a de nombreux exemples historiques qui devraient pousser chacun à réfléchir. Katsuyori Takeda (1546-1582, fils de Shingen Takeda et daimyo de la période Azuchi-Momoyama) s’accrocha sottement à des techniques d’engagement bataille dépassées, même s’il était conscient que son efficacité était sérieusement compromise. De nouvelles stratégies impliquant une innovation technique dévastatrice, le tanegashima (mousquet), ont été employées par ses ennemis. Ses samouraïs furent taillés en pièces par les salves rotatives des mousquets des fantassins de Nobunaga Oda. L’une des armées les plus impressionnantes de l’histoire du Japon a été efficacement décimée parce son leader a été incapable de se séparer d’une stratégie qu’il savait compromise par l’évolution des réalités. Romantiquement enclin à faire des choses comme cela avait été fait avec succès dans le passé, il a été battu par son état d’esprit classique. Cette stratégie du passé, et l’échec de Takeda à s’adapter face à des preuves accablantes nécessitant un changement, lui ont tout coûté.
Je ne permettrai pas une faille similaire dans la technique ou la mentalité compromettre la sécurité potentielle de mes étudiants. Mon grand-père a souvent souligné que mon jujutsu devait vraiment fonctionner. Qu’il doit devenir mon propre jujutsu. Et qu’un jour le jujutsu de mes élèves doit devenir le leur. Ce fut l’héritage qu’il m’a été donné et cela devra être mon héritage à eux aussi tout comme lui.
Quelles sont les différences d’apprentissage et d’enseignement entre l’occident et le Japon?
Quand je suis arrivé à l’Amérique, j’ai réalisé que l’esprit occidental n’allait pas être enseigné de la même manière que l’esprit japonais. La situation américaine était tout simplement trop différente. Les Américains sont par nature plus sceptiques et méfiants que les Japonais. La liberté de pensée occidentale permet à un étudiant d’examiner et remettre en question les choses d’une manière qui serait totalement inappropriée au Japon. C’est à la fois bon et mauvais.
Du mauvais côté, cela peut conduire un élève à rejeter une technique ou percevoir un concept comme invalide juste parce qu’il n’a pas consacré assez de temps pour l’apprendre correctement ou plonger dans ses secrets. Les étudiants qui tombent dans ce piège ne maîtrisent jamais leurs bases. Plus tard dans leur formation, vous trouverez des trous laissés béants en ignorant des leçons importantes que l’étudiant a choisi de ne pas poursuivre parce qu’il ne pouvait pas en voir la valeur. Quand je trouve un étudiant comme cela j’ai l’habitude de ne pas l’accepter. Il est trop compliqué de réparer les dommages causés par cet état d’esprit et un médiocre sensei.
Du bon côté, il permet un plus grand débit d’informations entre élève et enseignant. Il permet également un plus grand niveau de créativité de l’étudiant. Les étudiants avec des bases fortes et la liberté de pensée dépassent de loin le modèle plus traditionnel japonais.
Le meilleur des deux mondes existe en fait dans un concept au Japon. Il est appelé Shu-ha-ri. [Litt., Protéger la forme, briser la forme, Prendre de la distance avec la forme] Il s’agit d’une méthode théorique pour transmettre toute école classique. En pratique, cependant, je crois qu’il a eu un succès limité. Les réalités culturelles au Japon historiquement n’encouragent pas l’individualité. Ainsi, alors qu’une bonne fondation pour l’apprentissage est construite, la liberté créative pour en profiter est rarement réalisée. Pour preuve de cela il suffit de regarder ce qui s’est passé dans le judo, ou même le sumo, sur cette question. Les étrangers les plus innovants ont dominé le judo. Les Européens et Coréens poussent de manière impressionnante les innovations techniques dans ce sport. Les étrangers sont en train de faire lentement ces mêmes avancées dans le sumo.
Parfois, shu-ha-ri est correctement appliqué et le traditionalisme innovant conserve le coeur l’art et les vérités pratiques intactes. Le Tenshin Shoden Katori Shinto-ryu est l’un des rares exemples dans le monde des arts martiaux classiques où le shu-ha-ri a été, à mon avis, une réussite.
Je comprends que vous êtes extrêmement sélectif sur ceux que vous choisissez comme étudiant. Quels sont les critères que vous utilisez lorsque vous sélectionnez un étudiant potentiel?
La question sur la façon dont je sélectionne un étudiant est difficile à répondre. Une grande partie de mes critères est basée sur l’intuition ou « kan no me wa tsuyoi ». Je regarde juste l’étudiant, le regarde dans les yeux et voit ce que je vois. Si je ne sens pas et ne vois pas ce que je cherche, je dis juste: « Non merci ». Je suis très sensible au potentiel de quelqu’un pour apprendre. Je n’aime pas devoir faire désapprendre à un élève non plus. Je préfère un étudiant ayant déjà l’expérience des arts martiaux, mais aussi un esprit totalement ouvert. Vous voyez, ce n’est pas tellement que je sois sélectif, c’est juste que si peu d’étudiants potentiels ont les qualités requises.
Certaines personnes observant votre entraînement pourrait considérer qu’il est inhabituellement dur. Est-ce vrai?
Je ne pense pas que ce soit une observation précise. Le terme «dur» implique pour moi de fréquentes blessures graves. Sommes-nous plus réalistes dans la façon dont nous abordons l’entraînement ? Je dois dire que oui. Lorsque nous pratiquons les frappes, nous frappons très durement. Si vous manquez votre blocage ou votre technique, vous serez durement touchés. Nous pratiquons des attaques peu orthodoxes et nous les pratiquons à très grande vitesse par rapport à la plupart des dojos. Nous avons l’intention d’instiller une quantité plus réaliste de stress dans notre entraînement. La crainte de recevoir des coups durs à grande vitesse crée un stress qui simule la réponse de peur ressentie dans une véritable confrontation. Eliminer ce type de formation ne fait que convertir l’art en gymnastique. Cela n’aide pas à prévenir les blessures.
Le faux sentiment de sécurité qui existe dans de nombreux dojos cause en réalité un esprit complaisant et augmente les blessures. Avec un esprit complaisant un élève est autorisé à relâcher sa conscience de la situation. Il baisse ses gardes et se blesse. Si vous voulez voir beaucoup de blessures, aller à certains dojos d’aïkido. Les gens sont souvent blessés parce qu’ils ne se sentent pas menacés dans cet environnement harmonieux. Dans mon dojo les techniques ne sont pas harmonieuses, elles sont menaçantes.
Certains enseignants d’aïkido enseignent l’aïkido comme un art martial et d’autres pas. C’est bien aussi longtemps que l’enseignant est honnête avec ses élèves sur le but de son enseignement. Certains enseignants affirment qu’ils enseignent un art martial alors qu’ils ne le font pas. Je crois que c’est une grosse erreur. D’autres professeurs d’aïkido enseignent l’art comme une discipline purement spirituelle et sont honnêtes à ce sujet avec leurs élèves. Cela est convenable pour moi. L’aïkido comme une quête spirituelle est une chose honorable et je crois que cela a été le but ultime de Ueshiba sensei. Mais les aspects spirituels de l’art sont plus susceptibles de s’appliquer quand il est enseigné comme un art martial. Les arts martiaux sont une grande responsabilité ! La compétence martiale est un outil qui permet à la discipline spirituelle de s’épanouir et a un effet magique sur l’âme. Le cœur et l’esprit doivent se battre avec les démons et être victorieux pour trouver l’illumination. Sans une lutte, le caractère n’est jamais vraiment remis en question et n’atteint jamais la maturité. C’est pourquoi le shugyo (la discipline ascétique) est si important.
Certains enseignants d’aïkido parlent beaucoup de la non-violence, mais ne parviennent pas à comprendre cette vérité. Un pacifiste n’est pas vraiment un pacifiste s’il est incapable de faire un choix entre la violence et la non-violence. Un véritable pacifiste est capable de tuer ou mutiler en un clin d’œil, mais au moment de la destruction imminente de l’ennemi, il choisit la non-violence. Il choisit la paix. Il doit être capable de faire un choix. Il doit avoir la capacité réelle de détruire son ennemi et ensuite choisir de ne pas le faire. J’ai entendu cette excuse « J’ai choisi d’être un pacifiste avant d’apprendre les techniques de sorte que je n’ai pas besoin d’apprendre la puissance de destruction ». Cela montre une incompréhension totale de l’esprit du vrai guerrier. Ceci est juste une rationalisation afin d’échapper à la peur de la blessure ou de la formation dure. Le vrai guerrier qui choisit d’être un pacifiste est prêt à défendre et à mourir pour ses principes. Les gens qui prétendent être des pacifistes et qui rationalisent pour éviter la formation dure ou une blessure fuiront au lieu de rester et de mourir par principe. Ils sont juste des lâches. Seul un guerrier qui a trempé son esprit dans un conflit et qui a été confronté à lui-même et ses plus grandes craintes peut à mon avis faire le choix d’être un vrai pacifiste.
Il y a des années, j’ai vu un instructeur d’aïkido nommé Tadashi Abe en France. Il était un vrai guerrier dans tous les sens du terme. Il était un excellent exemple d’un homme avec l’esprit martial brûlant dans son ventre tandis que l’esprit d’harmonie était visible dans ses yeux. Il a été un véritable hommage à l’héritage technique et spirituel d’Ueshiba Sensei. C’est un samouraï à 100% !
Je trouve votre réflexion sur ce sujet passionnant. Pouvez-vous développer sur ce thème une peu plus?
Le terme «art martial» est beaucoup mis en avant sans aucune idée de sa signification.«Martial» signifie «guerre» ou «conflit». Dans un dojo d’arts martiaux nous nous entraînons pour le conflit. Sans conflit physique ou psychologique il n’y a pas de « martial » dans l’art martial. La peur, pour être surmontée, doit être confrontée et expérimentée. La peur doit devenir une partie de votre expérience de la vie. L’appréciation de la peur et la réaction appropriée face à la peur est le signe d’un artiste martial mature. Vos copains dojo et enseignants ne sont-ils pas ceux en qui vous devait finalement avoir confiance quand on apprend à affronter ses peurs? Dans un dojo réels, ils le sont.
Rappelez-vous que la plupart des gens qui se disent artistes martiaux ne sont rien de la sorte. La plupart des dojos ne sont pas des dojos d’arts martiaux non plus. Ils sont des clubs sociaux glorifiés, prospères dans un environnement de stimulation émotionnelle qui est accrue par une fausse perception ou extrêmement limitée du danger. Lorsque le danger réel se montre dans un tel dojo, les participants se mettent à l’abri. Dans un dojo réel les participants font face au conflit.
Sensei, quelles sont vos réflexions sur les concepts de tori et uke, dans la pratique des arts martiaux?
En Shindo Yoshin-ryu nous n’utilisons pas beaucoup les termes tori et uke, mais les concepts sont les mêmes. Par Tori vous voulez dire la personne exécutant la technique et par uke vous désignez la personne qui reçoit la technique. Ces termes sont communs dans le budo moderne, mais pas très communs dans le bujutsu traditionnel. Dans les arts modernes, l’enseignant montre habituellement une technique sur un uke qui est un élève. Bien que parfois cela se fasse dans le bujutsu, c’est souvent l’inverse. L’enseignant ne démontre que lorsque les élèves sont débutants ou ne savent pas la technique. Ensuite, les élèves du cycle supérieur démontrent sur le professeur. Finalement, tous les élèves démontrent sur l’enseignant. L’élève exécute une technique sur l’enseignant pour permettre à l’enseignant de sentir ce qui est invisible à l’œil. L’enseignant sent une erreur avant qu’elle ne devienne une habitude. L’enseignant sent l’esprit de l’étudiant dans sa technique. La technique devient également une vue sur le cœur de l’enseignant qui permet d’être projeté. Ceci est une démonstration de l’humilité du coeur de l’enseignant. Ceci est très important. Méfiez-vous des enseignants qui ne se laissent jamais projeter. Si un enseignant ne subit jamais de chute, il n’est pas vraiment un enseignant, mais juste l’imitation d’un. Les étudiants ne sont pas seulement des corps pour que les enseignants les utilisent pour les démonstrations ou pour frimer. Les étudiants sont la raison même de l’existence de l’enseignant. Sans étudiant il n’y a pas d’enseignant. Il est regrettable que nous ne voyons pas plus d’enseignants réalisant les ukemi en arts martiaux modernes, en particulier ceux qui professent être engagés dans l’entraînement spirituel. Souvent les discours spiritueux sont une jolie couverture pour cacher un coeur corrompu en-dessous. Le signe de la véritable illumination n’est pas dans la technique extravagante, un beau-parleur ou une pontification spirituelle, mais il est évident dans l’œil clair de l’enseignant et l’œil respectueux de l’étudiant qui regarde l’enseignant. Regardez et vous verrez.
Qu’en est-il du système du sempai (senior) et kohai (junior) dans les arts martiaux?
Ce sont d’autres termes que nous n’utilisons pas vraiment en Shindo Yoshin-ryu. Ce sont des termes plus communs aux arts martiaux modernes. Ces concepts sont en réalité plus récents et utilisés comme un outil pour le renforcement de la discipline au sein d’un grand groupe de conscrits militaires. Dans les dojos de karaté avec une discipline quasi militaire, ce système est souvent strictement appliqué jusqu’à la cruauté. Je vois même le système de sempai-kohai appliqué à un niveau malsain dans certains dojos d’aïkido. Dans l’armée, il peut être une chose positive pour rendre la chaîne de commandement évidente et assurer la cohésion de la mentalité du groupe, mais rappelez-vous que les samouraïs n’étaient pas une armée de conscription. La dynamique de groupe d’un clan de samouraï était très différente de celle d’une armée moderne. La même chose est vraie pour un dojo de bujutsu, ce n’est pas l’armée. Avons-nous besoin de ce genre de système dans le dojo? Non, pas dans mon dojo! Je n’ai pas besoin d’aboyer « Osu » à mes étudiants ou de souhaiter qu’ils me répondent par des cris de groupe. Ce n’est pas vraiment utile dans un vrai dojo de bujutsu. L’entraînement et la responsabilité des élèves sont beaucoup plus personnalisés. Y a-t-il une ancienneté évidente dans le dojo de Takamura-ha bujutsu? Oui et non. Nous n’avons pas de rang et pas d’uniforme spécifique qui démontre l’ancienneté. Il n’est demandé à personne de faire une tâche que moi ou d’autres enseignants ne remplissions pas souvent de nous-mêmes.
Nous nous alignons dans le dojo en fonction de l’expérience et des licences reçues. Si vous assistez à un cours dans l’un de nos dojos vous allez rapidement comprendre qui est le senior et qui est le junior sans que l’instructeur aboyent des ordres à quiconque et sans regarder qui nettoie les toilettes. Aboyer des commandes à des hommes enrôlés dans l’armée peut servir des buts positifs, mais je forme les élèves à être des leaders pensant et non d’ardents suiveurs.
S’il vous plaît donnez-nous votre point de vue sur le système populaire Gracie jujutsu.
Comme tout il y a à la fois du bon et du mauvais. Il faut rappeler que le Gracie jujutsu est très différent du vieux jujutsu. Bien que je n’ai pas de problème avec son appellation de jujutsu il est vraiment beaucoup plus proche du premier judo. Ils ont été assez efficaces, n’est-ce pas? Bien que le système apparaît surtout comme un art du ring, j’admire leur application efficace de la stratégie et des tactiques de jujutsu. J’admire aussi la manière honorable avec laquelle se conduisent les Gracie. J’aimerais beaucoup rencontrer Gracie Helio. Lui, comme Tadashi Abe a le feu au ventre, mais l’harmonie dans les yeux. Il a enseigné à ses fils à agir correctement. Quand ils ont fait leur apparition lors de ces tournois ils portaient un simple gi blanc. Ils ne sautillent pas partout en costumes voyants et ne ramènent pas des accessoires ridicules sur le tapis pour la télévision. C’est tellement absurde. Les tournois martiaux sont une affaire sérieuse.
Les Gracie se comportent avec honneur. Ils l’ont appris de leur père et leur sensei. Malheureusement, l’impression du jujutsu et des arts martiaux que retire le public de ces tournois est un peu barbare je pense. Beaucoup d’autres concurrents dans ces tournois ne sont pas de vrais artistes martiaux. Ils n’ont aucune notion de l’honneur ou de la dignité. J’aurais souhaité que les Gracie aient choisi de garder ces tournois plus privés. En les rendant publics, ils ont attiré des hommes au caractère compromis qui glorifient la violence et agissent comme des imbéciles égocentriques. Ce genre d’environnement est un élément qui a conduit Jigoro Kano à fonder le judo. La violence est une réalité solennelle à laquelle il faut se confronter avec la plus extrême gravité. Seul le caractère forgé sur l’enclume la plus dure du shugyo peut survivre et vaincre le mal de la violence rampante. La société occidentale en est malade. Les personnes qui se conduisent à ces tournois sans aucune notion de l’honneur ou de la dignité contribuent seulement à cette maladie.
Pourquoi aller au Japon pour s’entraîner avec un professeur inférieur? En outre, s’imaginer que l’actuel Japon moderne de l’après-Seconde Guerre mondiale porte la moindre ressemblance culturelle significative de celle de l’ère féodale japonaise exige que l’on ignore certains des faits les plus évidents. Cela est particulièrement vrai si vous vous formez dans un bujutsu traditionnel ou un koryu. Utiliser la logique de la pertinence culturelle n’a tout simplement aucun sens pour moi. J’ai vu des changements incroyables dans la culture du Japon dans ma vie. Le Japon féodal de l’ancien temps est mort il y a longtemps. La culture des traditions martiales classiques était liée si directement à l’époque féodale que la fin de cette ère a aussi apporté la fin de la culture qui portait les arts classiques. C’est juste un fait d’histoire.
Je dis toujours aux gens cette vérité. Elle n’est pas amendable ou conditionnelle. Quiconque se considère comme un maître ou permet à ses étudiants de se référer à lui comme «maître» en sa présence, n’est pas un maître. Occasionnellement, il peut être un enseignant bien intentionné qui se méprend sur la définition du mot, mais la plupart du temps c’est un narcissique guidé par son ego cherchant l’adoration. Il aura très peu à enseigner parce qu’il y a trop peu de place dans son cœur pour ses élèves. Au lieu de chercher un maître, il suffit de chercher un bon professeur avec le sens de l’humour, surtout s’il conduit une vielle voiture minable. (Rire tout en faisant allusion à sa vieille Toyota.) Mon vieil ami et Sensei, Matsuhiro Namishiro avait l’habitude de dire, « Il doit y avoir beaucoup de sourires sur le chemin ou le voyage n’en vaut pas la peine ». Vous savez, il avait raison !
Une très saine lecture. Merci pour tes efforts de traduction et de partage.
Merci, c’est un plaisir de traduire de tels textes.
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